A L'OPINION PUBLIQUE DE NOTRE PAYS ET DU MONDE
LES PRISONS DE TYPE F C'EST L'ENTERREMENT
VIVANT DES DETENUS SOUS LES YEUX DE TOUS
DANS CES PRISONS, IL N'Y A NI DROIT, NI REGLE, NI LOI; AUCUN BESOIN
DES DETENUS N'EST RESPECTE, TOUT EST INTERDIT;
LA SEULE CHOSE QUI EST REGNE C'EST L'OPPRESSION...
Je m'appelle Sadi Özpolat. Entre le
19 décembre et le 27 mai, j'ai été détenu
dans les tombes de type F pendant un an et demi: d'abord dans
la tombe de type F d'Edirne et ensuite dans celle de Kandira.
Un an et demi pendant lesquels je n'ai pas vu un seul visage de
détenu.
J'ai été l'un des représentants des détenus
qui participaient à la résistance du jeûne
de la mort entamé contre les prisons de type F.
Jusqu'au 19 décembre, nous avions expliqué à
l'opinion publique ce que signifiaient les tombes de type F, pourquoi
nous y étions opposés, pourquoi nous devions détruire
la politique des tombes de type F au prix de notre vie.
Après l'opération du 19 décembre 2002, j'ai
vécu dans des conditions d'isolement strictes. Je vais
vous raconter la réalité des tombes de type F. Ces
tombes sont une agression qui nous vise tous comme l'avait été
le coup d'état du 12 septembre... A l'époque, des
centaines de milliers de personnes avaient été torturées,
arrêtées, condamnées à mort et exécutées
ou assassinées en pleine rue, et aujourd'hui ce sont les
tombes de type F qu'ils imposent...
LA REALITE DES TOMBES DE TYPE F
Pour comprendre ce que sont les prisons
de type F, il est nécessaire d'en analyser leur logique.
Dans ces prisons où règne un isolement absolu, il
y a deux constantes, caractéristiques irremplaçables
pour l'Etat. En tant qu'instrument de pression et de dissuasion,
l'isolement a des conséquences néfastes sur la santé
psychologique et physique du détenu.
Bien qu'il tend à s'enrichir et à prendre diverses
formes, le régime carcéral des prisons de type F
vise la résignation et la dépersonnalisation du
sujet.
Deuxièmement, on tente de faire accepter aux détenus
qu'ils ne jouissent d'aucun droit. L'arbitraire est omniprésent,
même dans les questions les plus vitales. Vous ne pouvez
pas dire 'c'est mon droit'. Les conditions pour réclamer
vos droits vous sont ôtées. On vous force à
vous taire même devant les mesures les plus arbitraires
et les plus irrationnelles. En outre, ses mesures n'ont aucune
base légale. C'est précisément ce que l'on
veut atteindre par l'anéantissement des organisations de
détenus. On veut émousser la volonté des
révolutionnaires et en faire des individus incapables de
défendre leurs propres droits. Si dans certains cas, les
tortionnaires n'arrivent pas à leurs fins, c'est indiscutablement
grâce à la résistance et à l'intransigeance
des détenus. Dans les prisons de type F, les détenus
révolutionnaires n'ont pas perdu espoir. L'espoir est leur
plus grande force. Même les prisonniers de droit commun
incarcérés dans les prisons de type F sont animés
par cet espoir en la victoire et eux aussi, tentent de résister
aux conditions dures qui règnent dans les prisons de type
F. L'un des arguments démagogiques les plus usités
pour légitimiser ce régime pénitentiaire,
c'est celui de dire: 'les prisons sont devenues incontrôlables'.
Avec l'ouverture des tombes de type F, on a tous vu que ce qu'ils
appelaient le 'contrôle des prisons', c'était la
tentative de pousser les détenus révolutionnaires
à renoncer à leur identité politique. Où
comme nous disons souvent: 'évincer l'esprit et anéantir
l'identité des détenus révolutionnaires".
En effet, il n'y avait jamais eu de problème de 'contrôle'
au niveau de l'administration de la prison puisque les recensements
des détenus et les fouilles de dortoirs se faisaient régulièrement
et normalement. Il suffit de consulter leurs listes des présences
et les inventaires des fouilles. Derrière cette démagogie,
l'Etat a clairement cherché à confisquer les droits
légaux et légitimes des détenus pour faire
de ses établissements de véritables centres de torture
physiques et psychologiques: une fois que toutes les activités
politiques, sociales et culturelles, que les droits de la défense,
les droits aux soins médicaux et les droits de visites
seraient empêchées, les détenus seraient dépersonnalisés
et ainsi rendus vulnérables. Le fonctionnement des prisons
de type F vise cet objectif.
1 - Les cellules individuelles qui composent
les prisons de type F sont des pièces de 2x4 m. Dans cet
espace exigu, il faut aussi compter les sanitaires et la baignoire.
Toujours dans le même espace: une armoire, une table, une
chaise et un lit. Quand on imagine cette pièce avec toutes
ses composantes, on peut aisément se rendre compte que
la mobilité du détenu est extrêmement limitée...
Les cellules de trois personnes sont relativement plus grandes
que les cellules individuelles. Elles s'articulent sur deux étages.
Malgré le fait qu'elles sont conçues pour accueillir
trois personnes, il n'y a qu'une seule table. Il arrive que ces
cellules soient occupées par moins de trois personnes.
Cela dépend de l'administration. On est littéralement
à sa merci. Il arrive que des détenus soient maintenus
tous seuls dans des cellules pour trois personnes et ce, durant
plusieurs mois. C'est assez souvent le cas: on parle de cellules
pour trois mais en fait, elles sont réservées à
un détenu. Les détenus regroupés par trois
sont en outre menacés en permanence de se retrouver dans
des cellules individuelles.
2 - Avec les prisons de type F, l'un des
principaux droits, à savoir celui de s'organiser, a été
violé et ce, pour faciliter l'installation de leur dispositif
de répression.
Jusqu'alors, l'organisation sous forme de vie communautaire permettait
aux détenus de se défendre et de se protéger
en cas d'assauts militaires. La collectivité permet aux
détenus, d'organiser leurs activités politiques,
sociales, culturelles et de contribuer à leur épanouissement.
Le droit de s'organiser est un droit démocratique.
Il est universel et légitime.
La violation du droit de s'organiser est une violation pure et
simple du droit de défendre, protéger et développer
ses acquis, ses opinions, sa personnalité et son identité.
Il s'agit d'une forme de répression fascisante. La violation
du droit de s'organiser ne concerne pas uniquement les détenus.
Le droit de s'organiser est en effet un droit inaliénable
qui appartient à toutes les couches de la population.
Quand ceux qui agissent en fonction des règles de la 'démocratie'
se retrouvent obligés d'aborder la problématique
du droit de s'organiser, ce droit se retrouve désactivé
par de nouveaux amendements. Les activités de l'organisation
sont alors déclarées illégales et mises à
épreuve. Souvent, on ne fait même pas appel aux lois:
l'arbitraire suffit pour démanteler et neutraliser les
organisations. Actuellement, dans les prisons de type F, le droit
de s'organiser est empêché par l'isolement physique.
3 - L'autre point qui caractérise les prisons de type F est celui des mesures d'isolement et de confinement. L'isolement tend à plusieurs objectifs. Avant tout, ôter toute possibilité au détenu de se défendre en cas d'agression et de torture. C'est aussi maintenir une pression psychologique et faire du sujet une personne asociale. En limitant les visites aux seuls parents du "1er degré", visites qui ne sont qu'hebdomadaires et qui ne durent que trente minutes ou une heure, on vise l'aliénation du détenu face au peuple et la perte de ses sensibilités et de ses sentiments révolutionnaires.
4 - Les mesures répressives qui règnent
dans les prisons de type F visent la création d'individus
sans personnalité révolutionnaire, qui ne pensent
et ne critiquent pas, qui ne contestent pas, qui ne se défendent
pas et qui obéissent à tout "sans condition".
C'est littéralement la mort du révolutionnaire.
C'est un véritable massacre de masse.
Dans la pratique, tout est arbitraire et il faut se soumettre
sans se poser de questions. Par exemple, vous voulez envoyer une
lettre. On détruit votre lettre et on ne peut pas en demander
les raisons. La réponse est: "nous en avons la compétence".
Un jour, il vous est interdit d'envoyer un vêtement vers
l'extérieur. La seule réponse: "Il en convient
mieux ainsi" . Mais la semaine suivante, vous y êtes
autorisé. Puis, c'est de nouveau interdit... Par exemple,
depuis un certain temps, on ne peut plus envoyer vers l'extérieur,
du courrier qui vous a été nommément destiné.
Le prétexte: " une fois à l'extérieur,
ce courrier est imprimé sous forme de livre". Il n'y
a pas lieu de chercher une logique dans ces méthodes. De
toute façon, la simple recherche d'une rationnalité
est en soi un 'crime'. Le but est précisément, l'anéantissement
de la raison et cela, c'est le plus grand massacre. A noter aussi
que ses mesures n'ont aucune base légale. D'ailleurs, on
vous rétorque souvent: "où vous croyez-vous?Ici,
ce sont des prisons de type F, des prisons spéciales".
Quand on vous sort de votre cellule, vous ne pouvez avoir sur
vous ni stylo, ni papier, ni montre, ni chapelet, ni cigarette,
ni briquet. Tout est interdit... Il n'y a pas de raison: demander
POURQUOI est INTERDIT. Ce ne sont que deux exemples parmi des
centaines. Vous êtes confronté en permanence à
une série de tracasseries sur les moindres détails.
Se poser des questions, discuter, défendre ses droits sont
des 'crimes'. On vous demande d'être 'obéissant'.
Ces bêtises qui paraissent insignifiantes ont des conséquences
graves: la mort clinique, la mort du cerveau.
5 - L'entraide et la solidarité sont considérées comme des grands délits. Il n'y a aucune possibilité de partager quoi que ce soit avec votre ami le plus proche et c'est même interdit. Selon l'administration pénitentiaire, vous ne pouvez être concernés par les soucis et les besoins d'autrui. On doit être 'égoïste' et ne 'penser qu'à soi-même'. Manifestement, même la sensibilité humaine est un 'crime' répréhensible.
6 - Tout est instrument de torture. Même
la musique. Il y a obligation d'écouter de la musique diffusée
entre 03.00 et 04.00 du matin. A vous faire éclater les
tympans. Aucun moyen de se plaindre. En outre, les ateliers de
travail sont situés juste au-dessus des cellules. Cette
torture par le bruit sert à troubler la psychologie du
détenu. Notre camarade Ali Osman Köse, détenu
à la prison de type F de Edirne dans l'isolement complet,
est victime de ce tapage provienant des ateliers de travail.
En outre, tous les soirs, on actionne la chasse d'eau pendant
une heure et demi ou deux, ce qui provoque un bruit insupportable.
Ces bruits affectent la nervosité des détenus et
les affaiblissent psychologiquement. Les tortures psychologiques
de ce genre et leurs effets sur les détenus sont étudiés
par les psychologues de la prison. A l'heure du supplice, j'ai
un jour entendu un gardien crier à l'un de ses collègues:
"actionne la chasse!"
A Kandira, cela se passe tous les soirs, après le recensement
et cela dure une heure et demie. Parfois, cela se passe le jour.
En outre gardiens et soldats entretiennent des rapports obligatoires
avec les détenus. Ces derniers sont soumis aux insultes
et aux traitements dégradants. Répondre à
ce genre d'agressions est considéré comme une raison
valable pour faire l'objet d'attaques physiques.
7 - Les détenus considérés
comme des cadres politiques ou des représentants d'organisations,
ou qui refusent la résignation, sont jetés arbitrairement
dans les cellules individuelles. Ils sont maintenus dans des pièces
insonorisées. Il arrive qu'on leur déplace leur
cellule juste pour les ennuyer et les énerver. Les changements
de cellules sont décidés par un "conseil de
sélection de chambres" composé de deux chefs
de la prison et de quelques psychologues... Les cellules environnantes
sont évacuées et le détenu se retrouve seul
sur un large périmètre. On vide même les cabines
de visite quand le détenu isolé reçoit une
visite. Ceux qui sont regroupés dans des cellules de trois
peuvent recevoir des visites simultanément. Ce n'est pas
le cas de celui qui est séquestré dans une cellule
individuelle. Il est seul dans sa cellule. Seul lorsqu'il se rend
à la cabine des visites. Seul lorsqu'il va à l'infirmerie,
à l'hôpital, au tribunal. Des conditions qui font
que vous ne voyez pas le moindre visage durant des mois, ou que
vous n'entendiez pas la moindre voix... Les détenus isolés
arrivent à oublier l'usage de la parole. Ils s'aliènent
à leur propre voix.
Un détenu se suicide dans la cellule à côté
de vous mais vous ne l'apprenez que par les journaux.
Vous tombez malade, vous vous blessez, mais personne ne le sait.
8 - Les visites d'avocats sont souvent refusées.
Le droit à la défense est ignoré. Vous ne
pouvez pas prendre un papier et un stylo durant les visites d'avocats.
Comme je l'ai précisé dans un point précédent,
vous ne pouvez rien porter sur vous durant vos visites. Vous êtes
fouillés jusqu'à vos chaussettes. Au retour, vous
êtes fouillé à deux postes de contrôle.
Dans ces conditions, on ne peut pas parler de véritable
visite et de droit à la défense. Il n'y a, en effet,
aucune possibilité de discuter sainement avec un avocat
sur un dossier judiciaire, ou de préparer une défense
collective avec les détenus concernés par la même
affaire. Ni pour étudier le dossier ou prendre note. Depuis
un an et demi, il n'y a pas de possibilité de préparer
son propre jugement.
Entre-temps, les tribunaux traitent les jugements sans que la
défense puisse intervenir. Les peines sont prononcées
sans qu'il y ait de possibilité de recours.
Même dans ces conditions, le détenu ne peut rien
donner à l'avocat durant les visites et même quand
on envoie des documents à nos avocats après avoir
préalablement effectué une demande officielle auprès
de l'administration pénitentiaire, cette dernière
confisque ces documents. Il arrive que la direction détruit
lâchement les documents qui vont servir au procès.
D'autre part, nos avocats et nos visiteurs subissent des menaces
et des tracasseries. Celles-ci ont lieu à l'entrée
et à la sortie des prisons. Elles servent à dissuader
les visiteurs de revenir. Les prisons de type F sont loins de
la ville, ce qui annule quasiment les possibilités de visite
de leurs avocats. Les visites de prison prennent un jour pour
les avocats et durant cette journée, les avocats ne peuvent
rencontrer que deux clients au maximum à raison de 20 minutes.
Quand on tient compte des durées de visite, on peut aisément
déduire que les conditions de la défense sont restreintes.
Parfois, la visite de l'avocat est empêchée par le
prétexte de fouille des cellules. Avec les nouvelles prisons
de type F, le droit à la défense est complètement
formel et la profession d'avocat, ineffective.
9 - Tout est réglé selon vos
moyens financiers. Si vous n'avez pas de visiteurs et de l'argent,
il vous est impossible de subvenir à vos besoins élémentaires.
Comme l'entraide et la solidarité sont prohibées,
vous manquez de vêtements, de produits de nettoyage, de
thé, de cigarettes, de papier et de stylo.
Vous n'avez pas accès aux soins de santé. Dans les
tombes de type F, tout est devenu produit commercial. Or, les
frais de santé incombent à l'Etat. Même les
consommations d'électricité sont payantes. En fait,
notre consommation réelle n'a pas d'importance pour les
autorités. D'ailleurs, nous n'avons jamais pu vérifier
nos consommations. Le fait qu'il y aurait des compteurs n'est
pas du tout crédible. C'est le cas aussi pour les achats
effectués à la cantine. Vous commandez un 'kilo'
mais vous ne pouvez pas contrôler la quantité que
l'on vous fournit. On reçoit souvent des quantités
réduites. Dans les prisons de type F, ce système
d'achat est basé sur la spoliation des détenus.
Il y a aussi le travail en atelier où seuls les détenus
de droit commun sont appelés car les détenus politiques
en résistance ont rejeté ce programme.
Les détenus y sont exploités en échange d'un
tout petit salaire, ce qui fait des prisons de type F, des usines
très rentables et les détenus, des "esclaves
salariés". On parle déjà d'empêcher
les parents d'envoyer de l'argent aux détenus pour forcer
ces derniers à travailler.
10 - Notre possibilité de lire des livres et de suivre la presse est très limitée. Vous avez droit à trois livres mais vous ne pouvez pas en recevoir un quatrième tant que vous n'avez pas rendu les premiers livres empruntés. Cela vous empêche d'étudier un sujet en profondeur, de rédiger un article ou une étude. Des revues nous sont refusées. Quand on pose la question, la réponse, c'est: "la revue n'est pas arrivée" ou encore "elle a fait l'objet d'une saisie". Je n'ai pas pu recevoir régulièrement le courriers ou les revues qui m'ont été adressées. Après les opérations militaires du 19 décembre, le ministre de la justice Hikmet Sami TÜRK avait déclaré que l'on avait découvert des milliers de livres et des bibliothèques entières dans les dortoirs, comme s'il s'agissait d'un grand crime. Manifestement, pour les autorités, lire un livre est considéré comme un crime. Celles-ci préfèrent avoir à faire à des gens ignorants afin de les manipuler plus facilement. Elles montrent aussi à quel point elles sont hostiles au savoir et à la science.
11 - Les fouilles et les recensements sont un instrument de torture. Les fouilles sont menées sciemment pour saccager et mettre nos affaires sens dessus-dessous. Tout est renversé, dispersé. Nous somme obligés de relaver notre linge. Pourtant, il n'y a rien à trouver et ils le savent mais ils en profitent pour mettre le désordre. Lors de chaque fouille, une horde de gardiens et de soldats se bousculent dans la cellule pendant 10 à 15 minutes. Après cette perquisition, le rangement des cellules dure parfois deux à trois heures.
Durant ses fouilles de cellules, les détenus
sont forcés de se lever durant le recensement et sont obligés
d'obéir. Les détenus révolutionnaires qui
refusent sont tabassés et traînés à
terre. Durant l'une de ses perquisitions, le détenu Ali
Ihsan KILIÇ a été cogné contre le
mur. Il a été blessé et avec le choc, a perdu
la mémoire.
L'administration a ensuite fait le rapport de cette agression
mais en indiquant qu'il s'était cogné accidentellement.
Son compagnon de cellule, Yavuz Nazligül a été
forcé à faire une déclaration conforme à
la version officielle. Après cette attaque, Ali Ihsan KILIÇ
a été hospitalisé et suite à cela,
il a été acquitté. On dénombre des
dizaines de cas similaires. Les déplacements vers les tribunaux
et les hôpitaux tournent à la torture. A chaque déplacement
du genre, les détenus font l'objet de fouilles sept ou
huit fois. Les détenus qui s'opposent à ces fouilles
sont 'fouillés' parterre, en étant roués
de coups.
12 - Le système d'exécution
des peines fait également partie du programme d'assujettissement
des détenus. Les détenus qui ont reçu une
peine disciplinaire reçoivent une nouvelle condamnation
plus élevée. Les peines disciplinaires sont données
à tort et à travers. Quand on n'a pas de peine disciplinaire,
cela signifie que l'on s'est complètement plié à
la politique de dépersonnalisation du pouvoir. Les réformes
comme l'usage de ce qu'ils appellent 'les espaces d'utilisation
commune' sont conditionnées par la 'virginité' de
votre casier en matière disciplinaire. Même les détenus
qui contestent de la manière la plus passive, des traitements
humiliants, sont condamnés à une peine disciplinaire
et se voient privés du droit de visites, de visites de
table, de courrier ou de sorties.
La plupart du temps, les détenus ne comprennent même
pas pourquoi ils sont ainsi châtiés. Il est possible
d'allonger et de détailler la liste des méthodes
pratiquées dans les prisons de type F. En effet, tout peut
faire l'objet d'interdiction. Dix mois après notre déportation
en régime de type F, on a tenté de faire passer
l'idée que nous étions des 'criminels'. Cette pratique
était une variante de l'uniforme que la junte avait tenté
d'imposer après le coup d'état du 12 septembre.
Les détenus ont refusé cette appellation même
si cela leur a coûté d'être battus et torturés.
13 - Les organes de contrôle comme les 'conseils de surveillance des prisons' servent à légitimiser le régime d'isolement des prisons de type F. Leur membres élues sont connus sont connus comme étant des fascistes notoires, comme les avocats des policiers tortionnaires qui sont responsables des sévices contre plusieurs étudiants dans la ville de Manisa. Ces 'conseils de surveillance' sont créés pour montrer que l'on veille sur les détenus et pour présenter les prisons comme des véritables hâvres de paix, mais en fait les seuls détenus récompensés par ces 'conseils' sont ceux qui ne s'opposent pas aux lois de l'Etat, qui sont dociles face à l'administration pénitentiaire et qui ne subissent aucune persécution politique.
14 - Dans la prison, il n'y a de possibilité de rencontrer le procureur, le directeur, les gardiens, ni aucun autre membre du personnel. Il n'y a aucun service auqel on peut s'adresser pour résoudre nos problèmes quotidiens. Lorsque le procureur et les directeurs de la prison rencontrent les détenus, notamment durant les recensements, c'est pour leur rappeler le règlement.
15 - Les visites aussi tournent à la torture. Les gardiens vous ouvrent la porte pour vous annoncer que vous avez une visite. Ils vous demandent ensuite de vous débarrasser de tout ce que vous portez. Vous ne pouvez garder que vos vêtements. Vous devez abandonner votre montre, vos cigarettes, votre briquet, votre stylo, votre papier ou votre châpelet dans votre cellule. Quelle est la logique dans tout cela? La sécurité? Quel problème peut poser la présence sur soi de tels objets? Aucun. Il n' y a véritablement, aucune raison valable. Mais la règle est ainsi: dans les prisons de type F, on ne peut sortir de sa cellule que comme eux le souhaîtent. A peine avoir mis les pieds hors de sa cellule, les règles strictes commencent. Si vous n'abandonnez pas tous vos objets, vous ne pouvez pas bénéficier de votre droit de visite. Dès que vous avez franchi la porte de votre cellule, vous passez par une fouille corporelle en profondeur. Même le fond de vos chaussures et de vos chaussettes est fouillé. Ensuite, deux gardiens vous maîtrisent par les bras et vous conduisent à la cabine de visite. Vous attendez un certain moment, puis votre visiteur arrive. La rencontre se fait par téléphone. Vous êtes séparés par une vitre insonorisée. Il est impossible d'entendre la voix de son visiteur sans passer par le téléphone. Ce téléphone est écouté par l'administration. Si vous dites des choses qui ne conviennent pas à la direction, si vous vous plaignez de vos conditions de détention, on vous coupe la communication... Quand votre temps de visite s'écoule, le gardien vous prévient puis vous êtes immédiatement emmenés de la même manière que vous avez été amenés. Avant de regagner votre cellule, vous êtes à nouveau fouillé, jusqu'à vos chaussures et vos chaussettes... Or, il n'y a aucune possibilité d'être en contact avec votre visiteur et en plus, vous êtes emmenés par les bras, au départ de votre cellule et même au retour. Cela s'appelle une visite, mais c'est un véritable.
16 - La bibliothèque, les terrains
sportifs et sociaux sont ce que l'on appelle les 'espaces communs'
mais même là, il règne la logique de l'isolement.
Il y a une soi-disant bibliothèque. Mais là, dans
le cas de détenus regroupés par trois, ils ne peuvent
voir que leurs co-détenus de la même cellule. En
revanche, si le détenu est séquestré dans
une cellule individuelle, il ne peut voir qui que ce soit. Et
là encore, il est soumis à deux fouilles minutieuses.
Les gardiens le tiennent par les bras.
En bibliothèque, les gardiens vous épient pendant
votre lecture... Dans les terrains de sport, c'est pareil. Comment
peut-on faire des activités sportives quand on est seul
ou à trois? Comme les détenus ne peuvent pas faire
de sport ensemble, leur temps d'occupation des terrains de sport
est miniuscule. L'utilisation du complexe sportif dépend
aussi du bon vouloir de l'administration pénitentiaire.
Si vous êtes punis, vous n'y avez pas droit. Si vous êtes
un résistant, vous pouvez en être privés aussi...
Comment peut-on appeler ces endroits, des espaces communs, quand
seuls, une à trois personnes à la fois peuvent y
accéder? Qu'y a-t-il de social à cet espace? C'est
de la pure tromperie. Même dans ces espaces, il règne
le principe d'isolement.... Par conséquent, l'utilisation
de ces pièces revient à reconnaître et à
banaliser le régime d'isolement... Ces espaces servent
en réalité à camoufler les conditions d'isolement.
C'est pour cela que les détenus refusent de fréquenter
ces lieux.
17 - On connaît diverses maladies
dûes au confinement dans les cellules des prisons de type
F. La plupart des détenus du type F sont blessés
ou handicapés. Nous souffrons d'anomalies et de défaillances
particulières: transpirations irrégulières,
perte de peau, chute de cheveux, troubles de la compréhension.
Nous soupçonnons l'effet des quantités démesurées
des bombes lancées durant l'opération.
Notre immobilité en cellule est aussi source de maux. Nous
ne sommes évidemment pas soignés. Même les
détenus blessés ou en grève de la faim sont
maintenus dans l'isolement dans une situation de non-assistance.
Les camarades qui sont blessés à la jambe ont du
mal à se déplacer durant les transferts ou les visites.
18 - Tous les détenus sont soumis à la répression mais les résistants du jeûne de la mort le sont encore davantage. Ils sont soumis à une pression psychologique et physique intense. Ils sont systématiquement emmenés à l'hôpital pour être perfusés de force. Ces hospitalisations tournent à la torture. Des détenus qui observent le jeûne depuis deux ou trois cents jours sont forcés à abandonner leur résistance et pour ce faire, on les torture par la déshydratation. Certains détenus hospitalisés sont privés d'eau pendant un jour. Autrement dit, certains médecins, de l'infirmerie ou des hôpitaux agissent selon les directives du ministère et sont donc complices de ces tortures.
Ceci était un aperçu des conditions
de détention qui règnent dans les prisons de type
F. De mon récit, on peut aisément dégager
les buts visés par ceux qui ont opté pour ce système
pénitentiaire.
Les révolutionnaires qui ne font que défendre la
population et se battre pour elle, sont confinés dans les
cellules de prisons de type F en guise de châtiment. On
tente de faire de ceux qui sont sensibles aux souffrances de la
population, des personnes égoïstes et insensibles.
Cette situation est inacceptable. Ces conditions de détention
rendent service au système tyrannique et spoliateur dominant.
Ces prisons de type F servent à juguler la lutte contre
ce système. Les gens qui pensent et qui ont une personnalité
ne sont pas prêts à capituler devant ces pressions.
91 de nos camarades sont tombés en martyr dans la résistance
contre cette terreur de l'impérialisme et de l'oligarchie.
Mais nos camarades sont toujours aussi décidés à
résister contre cette terreur. Je vous ai décrit
la gravité de la situation mais elle ne peut que changer.
Elle va changer. La lutte fera changer ses conditions. Les détenus
révolutionnaires ne se laisseront pas faire. L'issue victorieuse
de cette lutte honorable concerne directement et étroitement
l'avenir de tous. La résistance continue. Tout le monde
peut contribuer à la réussite de ce combat honorable.
J'appelle l'opinion publique à participer activement à
la lutte contre les tombes de type F et les mesures qui y règnent.
Le 5 juin 2002
SADI NACI ÖZPOLAT