Control Unit Prisons
Prisons de Sécurité Maximale, isolement carcéral et privation sensorielle

 

 

Les Prisons de Sécurité Maximale (PSM) sont des méga-prisons dont la caractéristique principale demeure l'isolement systématique de toutE detenuE. Elles incarnent par là même une volonté absolue de la part de l'État américain de redonner force et but au système pénitentiaire : détruire toute idée de nuisance, d'opposition et de résistance dans l'esprit des prisonnièrEs. Cependant cela ne va pas sans les empêcher de penser et de s'organiser. Car s'il y a un outil par lequel l'Administration peut contrôler l'agitation dans les prisons à la base, et elle l'a bien compris, c'est la séparation physique des prisonnièrEs. Mettre le peuple derrière les barreaux c'est bien, l'empêcher de s'unir, de s'organiser et même de communiquer, c'est encore mieux. Aussi bien à l'intérieur des établissements penitentiaires qu'au dehors, rompre le tissu social pour mieux faire suffoquer la contestation, mais aussi et surtout l'esprit de combativité, demeure une politique sur laquelle des générations de politicienNEs se sont penchéEs. Diviser les buts, les causes, les luttes, les travailleurs/euses, les prisonnièrEs, les oppriméEs pour les condamner à la solitude, au monologue, au fléchissement, pour finalement crever dans la décadence en individus assujettiEs, collaborant "contre leur gré" par manque de soutien, de répondant et d'une quelconque influence sur la misérable existence que leur dessert le capitalisme mondialisé.
Car c'est bien dans cette société qui nous est présentée comme la nôtre, dans laquelle nous prétendons détenir un certain pouvoir de décision par pure foi démocratique, où l'on sourit à outrance en astiquant sa nouvelle voiture ou en faisant ses courses, que se dressent ces véritables "camps de la mort" que sont les Prisons de Sécurité Maximale. CertainEs trouveront peut-être le mot "un peu fort" mais il demeurera pour nous objectivement approprié. Et pour cause, après les prisons centres d'épuration de la société, après les
"prisons dans les prisons" que sont les quartiers d'isolement et autres mitards, nous voici à l'ère de la super prison centre d'épuration de la prison. Empêcher l'agitation au sein même de la taule et laver du cerveau ceux et celles qui s'aventurent sur le dangereux terrain de la résistance ou de la rébellion, tel est le concept de base sur lequel les États-Unis ont érigé les PSM. Car ces forteresses n'existent pas pour maintenir enferméE le/la prisonnièrE de droit commun pour qui la prison standard suffit à obtenir soumission et discipline. Elles existent pour briser ceux et celles pour qui cette étape préliminaire n'y est pas parvenue.
L'auteur de l'article qui suit, Frank John Atwood, est détenu dans les couloirs de la mort depuis bientôt 17 ans et se trouve actuellement à Prison de Sécurité Maximale d'Arizona où touTEs les condamnéEs à mort ont été transféréEs pour des raisons liées à l'évasion. En effet, si l'on veut donner à une évasion le maximum de chances de réussir, cela nécessite un minimum d'aide de la part d'autres camarades aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur. Mais dans les conditions de sécurité qui sont celles des PSM, une telle idée n'a même plus la chance de germer dans la tête des détenuEs. La domination éxercée sur chacunE d'entre eux/elles par l'isolement constant assure aux matons un calme et un pouvoir dont rêvent nombre de leur confrères.
Frank nous fait part des différents "types" de presos y étant incarcéréEs : membres de gangs de prison, détenuEs suscitant des problèmes disciplinaires, faiseurs/ses de troubles, ceux/celles essayant d'organiser les prisonnièrEs et de dresser des revendications, se plaignant, tentant de réagir face aux diverses attaques, atteintes et autres abus de la part des matons, engageant la prison dans "des actions indésirables", prenant la défense d'autres détenuEs ou faisant de l'assistance juridique, et en résumé à peu près n'importe qui ne s'étant pas attiré la sympathie de la sacro-sainte Administration pénitentiaire. Mais les PSM sont également une destination couramment attribuée aux prisonnièrEs proprement ditEs politiques. Selon les différents établissements se trouvent également enfermés des membres du Black Panther Party, de la Black Liberation Army, des militants islamiques, des indépendantistes Puerto Ricains, des victimes d'opérations de la CIA, des anarchistes et autres insurrectionnelLEs telLEs que Frank ou encore des membres du Mouvement des Indiens d'Amérique, etc. En clair, touTEs ceux et celles qui se trouvent dans le colimateur de l'IntelligienCIA américaine. On se rend compte dès lors que les PSM sont des prisons à caractère politique étant donné que les détenuEs sont soit directement issuEs de mouvements de lutte, soit des individus informellement politiséEs du fait d'une certaine attitude peu coopératrice avec le régime pénitentiaire ou menaçant l'intégrité d'une prison. Les prisonnièrEs atteintEs de maladies mentales pouvant être liées aussi bien à la "vie" en prison, à l'isolement carcéral qu'à certains antécédants font aussi partie du menu des voraces PSM et représentent environ 10% de leur population. Des rapports provenant du Texas décrivent quelques unEs de ces taulârdES s'adonnant à l'auto-mutilation, à des hurlements sans fin et allant même jusqu'à se cogner la tête contre les murs de leur cellule. La négligeance de traitements adéquates est bien entendu un facteur majeur du cercle vicieux dans lequel nombre d'entre eux/elles sombrent et qui les mène à enfreindre davantage les règles, ce qui en conclusion se traduit par un durcissement du régime qui leur est soumis et des peines supplémentaires.
Quant au genre, et pour en revenir à l'exemple de la PSM d'Arizona, la population est composée de 24 000 prisonniers et de 2000 prisonnières mélangées aux autres car il n'existe pas d'unité permanente pour femmes. La plupart d'entre elles y sont incarcérées pour des périodes de 10 à 30 jours en tant que punition disciplinaire. Cependant, le placement des femmes en unité de contrôle les expose à une punition supplémentaire : celle de l'abus sexuel. Leur séjour périodique et solitaire dans ces complexes pénitentiers à large population masculine, tant au niveau des détenus que des matons, rassemble toutes les conditions favorisant l'émergence d'une telle menace. Cet argument est toutefois à double tranchant et c'est ainsi que, sous couvert de vouloir protéger ses dévoués sujets, le Département Correctionnel d'Arizona a été autorisé à placer en PSM les femmes ayant porté plainte pour abus sexuel, pour que celles-ci soient en sécurité !! Ben voyons...
Pour en venir aux conditions générales de détention sur lequelles Frank J. Atwood reviendra un peu plus loin, une caractéristique poignante des Prisons de Sécurité Maximale reste la mise sous vidéo-surveillance permanente de toutes les cellules qui engendre bien évidemment l'absence totale d'intimité pour les détenuEs. Typiquement, les cellules n'ont pas de fenêtre, ce qui laisse une chance infime aux prisonnièrEs d'entrevoir la lumière du soleil, et ce d'autant plus que les promenades ont lieu dans une "autre cellule" entièrement close située à proximité de la leur. La seule lumière émise sont les néons contrôlés, tout comme les portes, par ordinateur central et que les gardiens peuvent laisser allumés ou éteints à leur gré de jour comme de nuit, ce qui peut constituer un facteur supplémentaire de pression psychologique sur les prisonnièrEs.
Quant au matériel et autres biens personnels, et pour en revenir à l'exemple du complexe pénitentier d'Arizona, les détenuEs sont autoriséEs à posséder un téléviseur, un petit radio-cassette, 7 livres et 5 magazines devant provenir d'une librairie. Les zines, bulletins, brochures et lettres sont généralement autorisés tant qu'aucun sujet portant sur les évasions ou la violence en prison n'y est débattu. Les visites, pour lesquelles les autorisations sont minutieusement sélectionnées en vue d'orientations psychologiques définies par l'établissement en question, ont lieu une fois par semaine pour une durée de 2 heures sans contact physique, bien entendu (une vitre en plexiglas sépare les 2 interlocuteurs/trices). Tout cela étant bien sûr relatif à l'humeur des gardiens, à l'établissement et au/à la détenuE en question car comme dans toutes les prisons, les conditions de détention ont été conçues dans le but même de contrôler la pensée des prisonnièrEs. Ils/elles peuvent se voir confisquer leur courrier, leurs lectures, leurs crayons ou n'importe quel autre bien personnel ayant une importance pour eux/elles et pouvant être utilisés par conséquent comme un moyen de pression en plus.
Cependant dans les conditions qui sont celles des camps de la mort, où le contrôle exercé sur CHAQUE individu est accru par l'isolement imposé entre touTEs, ces petites choses qui embellissent véritablement la "vie" quotidienne prennent une toute autre ampleur. Ce sont les ultimes résidus de vie qui permettent à chacunE de se reconnaître en tant qu'être humain plutôt qu'en objet de l'aliénation. Leur importance n'a plus de prix, pas même celui de leur propre dignité, au sein de ces camps ou ne règne que la toute puissance de Big Brother. Nombre de prisonnièrEs feraient n'importe quoi pour conforter les matons dans leur rôle de maîtres afin de ne pas se les voir supprimer, pas même partiellement. C'est en étant tenuEs à cela, et à la crainte de devenir la cible d'un mauvais traitement accru qu'un comportement peu collaborateur pourrait susciter, que 90 à 95% d'entre eux/elles ont été briséEs psychologiquement. Frank remarque à ce propos que "la vaste majorité des taulârdEs ne veulent pas se dresser pour eux/ elles-mêmes ou créer des ennuis". Et pour se donner une idée de l'ambiance, "ils se montrent beaucoup plus gentils et font preuve de beaucoup plus de respect envers les matons qu'envers lui-même. Il les voit ramper devant eux avec docilité et obéissance - ça le rend malade, tout comme ça le rend malade d'entendre son voisin de cellule dire merci à chaque fois qu'un gardien vient lui apporter quelque chose"...
Mais il ne faut pas oublier que, au-delà du régime appliqué dans les Prisons de Sécurité Maximale, un tel degré de soumission est le résultat de programmes de conditionnement psychologique, tout comme il ne faut pas oublier que touTEs ceux et celles qui s'y trouvent n'y ont pas aterri par hasard... Ces programmes visent avant tout à obtenir la collaboration des détenuEs avec les matons et l'administration pénitentiaire dans le but de cibler ceux et celles qui ne se laissent pas abattre. Ils éduquent les prisonnièrEs comme on éduque véritablement un chien en lui donnant une friandise à chaque fois que celui-ci fait ce qu'on lui demande. Cela peut naître d'innocentes petites discussions conviviales avec les matons ou de remerciements lorsque ceux-ci vous apportent à manger comme de révélations (vraies ou fausses) qui vous évitent d'être battuE ou harceléE et qui permettent aux matons de s'en prendre à unE autre.
Tous les facteurs pouvant contribuer à la mise en concurrence des prisonnièrEs sont employés afin de les pousser à choisir leur camp : celui des informateurs et collaborateurs ou celui de la force intérieure. Dans l'espoir d'un peu de tranquillité, de meilleures conditions, de plus de respect, de moins de harcèlement voire de quelque privilège, la vaste majorité d'entre eux/elles ont vite fait de s'identifier aux attentes des autorités plutôt qu'aux espoirs de la lutte. Là encore, la dépendance directe sur l'humeur des matons et l'isolement frappent. Détourner l'attention des véritables enemis pour la transformer en force de contre-insurrection, voilà à quoi s'emploient les régisseurs des programmes appliqués dans les PSM.
C'est ainsi qu'à titre d'exemple, Frank J. Atwood fut accusé en 1998 de trafic de drogue par son voisin de cellule, de quoi susciter une haine qu'on aimerait bien voir se manifester ailleurs. Acte de lâcheté ? Difficile à dire lorsqu'on a pas été soi-même soumisE à un tel régime. D'autant plus que les détenuEs qui composent la population des camps de la mort ne sont pas là par hasard. Ils/elles sont touTEs des individus ayant rejeté ou contesté les valeurs du système pénitentiaire, c'est-à-dire qu'ils et elles ont pris position face à leur situation de classe, d'oppriméEs et d'excluEs au sein d'une société basée sur la domination et l'exploitation des classes entre elles-mêmes, même si ces gens ne définissent pas leur actes en termes politiques, et même si ces actes ne sont pas directement d'une telle nature. Actes qui peuvent aller de la violence physique à la crise de folie en passant par les menaces envers d'autres détenuEs ou les matons et qui expriment la profonde inadéquation entre la réalité du système pénitentiaire et les fins que celui-ci prétend accomplir. Ce sont en somme des gens qui se sont dressés pour eux-mêmes quelle que soit la façon dont ils/elles l'entreprennent et qui reflète de toute évidence leurs origines et leur position sociale, qui revendiquent leur existence par des moyens aussi divers que contradictoires, et ce jusqu'à l'intérieur-même des centres d'épuration de la société de classes.
Si l'Anarchist Black Cross ainsi que diverses organisations du mouvement anti-prison se sont intéressées aux Control Unit Prisons , c'est avant tout à cause du caractère purement politique qui les singularise des autres prisons. Si ces dernières accomplissent un rôle fondamental dans le maintien de la caste sociale, les Prisons de Sécurité Maximale constituent une machine répressive d'autant plus menaçante pour l'avenir des luttes dans la mesure où elles assurent non seulement ce rôle préliminaire mais garantissent également la sécurité interne du système pénitentiaire lui-même. Faire face à la menace que représente l'émergence de mouvements de prisonnièrEs et autres agitateurs/trices au sein des établissements "classiques", instaurer le calme et la soumission des plus "intenables", les transformer en informateurs/trices et collaborateurs/trices, en repentiEs.
Cependant, l'intérêt d'une telle étude est de voir la similitude existant entre les PSM et ce que sont les quartiers d'isolement en Europe (et ailleurs) : FIES en Espagne, Quartiers de Haute Sécurité (QHS) en France, etc. Même si ceux-ci ne représentent qu'un département ou une aile spéciale au sein même des prisons, le but de leur mise en place et les conditions qui y sont appliquées n'en sont pas moins différentes, tout comme les catégories de détenuEs qui s'y trouvent enfermées. Dans ce sens, les États européens ne sont en aucun cas moins méprisables que leur modèle américain.
Ce qui diffère en revanche est "l'avance" que ce dernier a pris en édifiant et institutionnalisant des forteresses qui ne sont constituées QUE de ces mêmes quartiers d'isolement. Cela ne nous empêchera tout de même pas d'omettre certaines exceptions telles que la prison de Stammheim en Allemagne qui avait été conçue sur un tel modèle pour y emprisonner certains membres de la Fraction Armée Rouge (RAF) et faire face plus globalement à la vague de lutte anti-impérialiste radicale amorcée par celle-ci. C'est donc une lutte globale contre l'isolement carcéral qu'il nous faut mener, sans distinction ni classification des différentes formes que lui donnent les tortionnaires qui l'orchestrent. Le recueil de textes constituant la troisième partie de cette brochure a été élaboré dans le but d'illustrer cette entité de la torture blanche et l'évolution qu'elle a pu connaître au fil du temps.
Sans la volonté des prisonnièrEs eux/elles-mêmes, sans leur mobilisation, la lutte contre la prison, et par conséquent contre la société de classes, n'ont pas de base et donc pas d'avenir. C'est pourquoi le problème que nous posons ici au sujet des Prisons de Sécurité Maximale aux États-Unis est un problème que nous considérons comme crucial, face auquel notre énergie est plus que jamais requise et qui nous renvoie en Europe à la lutte contre les quartiers d'isolement... Osons LUTTER avant que ne s'érigent ici aussi ces machines à instaurer le silence, c'est-à-dire la mort. Celle des prisonnièrEs, celle des luttes, et, inévitablement, la nôtre.

Ronan, pour l'Anarchist Black Cross

 

"Ce qui compte, c'est ce que tu fais (du combat) : un bond en avant. Faire mieux. Apprendre par l'expérience (...) Chaque nouvelle lutte, chaque action, chaque conflit apportent des enseignements inconnus. Des expériences, voilà le développement des luttes. Est décisif ce qu'on apprend à connaître (...) À partir des victoires, mais encore plus à partir des erreurs, des "flipps" des défaites (...) Combattre, avoir le dessous, encore combattre, avoir à nouveau le dessous, c'est ce qui renouvelle la manière de se battre (...)". Extrait de la dernière lettre d'Holger Meins, membre de la RAF mort en luttant contre les traitements spéciaux après 145 jours de grève de la faim.

 

À PROPOS DE L'AUTEUR...

Frank John Atwood est un prisonnier anarchiste Blanc américain. Victime d'une machination politico-judiciaire, il fût accusé de meurtre en 1984 dans l'Etat d'Arizona et condamné à mort pour un acte qu'il n'a jamais commis. Frank était un militant anrchiste actif depuis la fin des années 60 alors que les Etats-Unis vivaient l'une des plus intenses périodes de leur histoire politique militante suite à la mobilisation contre la guerre du Vietnam. Il fût entre autre impliqué dans l'organisation de manifestations, dans des braquages de banques ou encore des attaques à la bombe contre la politique gouvernementale.
Originaire de Los Angeles, il passa un week-end dans l'Arizona dans une zone où avait eu lieu un meurtre. Ses cheveux longs et sa longue barbe lui valurent d'être rapidement signalé aux autorités locales. La police fédérale et le gouvernement ne trouvant pas le coupable mais sachant que Frank était dans les parages, et qui plus est, un ennemi de l'Etat, les autorités firent d'une pierre deux coups en l'arrêtant, à la grande satisfaction du public en quête de "justice".
Frank a aujourd'hui 44 ans et croupit dans les couloirs de la mort depuis bientôt 16 ans. Il n'a jamais renié ses principes ni ses convictions et est demeuré actif depuis le début de son incarcération, même si ses activités se sont inévitablement restreintes au cours des années du fait de son status de condamné à mort et de l'isolement, et ce d'autant plus depuis qu'il a été transféré en PSM comme touTEs les autres condamnéEs à mort d'Arizona en Septembre 1997. Il a passé toute sa vie carcérale en isolement ou en unité de sécurité maximale.
Cet homme se dresse depuis sa cellule car, comme il le dit, se dresser est tout simplement ce qu'il fait toujours. Il considère cette démarche comme un devoir. Les gens se font manipuler par le gouvernement, les riches et les média et face à tout cela, il essaye d'exposer la vérité, de partager son expérience plutôt que de subir le destin auquel il est condamné. Il est également l'auteur d'un fanzine qui s'appelle "Décidément Radical" et passe la majeure partie de son temps à lire et écrire. N'ayant bien entendu pas de camarade en prison voire plutôt beaucoup d'ennemis, Frank s'est tourné vers les organisations de soutien aux prisonnièrEs aux Etats-Unis (dont le réseau ABC) dont il semble apparemment très déçu. Cependant il n'a pas tout laissé tomber pour autant et est entré en contact avec le réseau ABC en Europe ainsi que divers individus. Nous correspondons nous-même avec lui depuis environ 8 mois et ce nouvel élan de correspondances a semble-t-il embelli sa vie. Frank s'intéresse énormément aux différents mouvements de lutte et aimerait beaucoup tisser de nouveaux liens avec la "jeunesse militante européenne".
Cependant, bien que je ne dises pas cela pour vous décourager de lui écrire, Frank est victime au même titre que touTEs les condamnéEs à mort américainEs de "la Loi pour une Peine de Mort Effective" dûment votée par les 2 chambres parlementaires et dûment signé par mister Bill en 1996. Cette loi restreint les possibilités pour les condamnéEs de faire appel des décisions judiciaires mais surtout, leur interdit de déposer une demande de liberté sur parole. Les quelques possibilités de manoeuvres judiciaires font en revanche partie de la manipulation et du conditionnement des détenuEs afin de leur donner de l'espoir et d'acheter ainsi leur tranquilité, étant donné que ces recours ne donnent jamais lieu à de quelconques retournements de situation. Leur éxécution est programmée et constitue un but en elle-même, quelles que soient les circonstances et les causes de leur condamnation, voire même de l'opposition que peut rencontrer une telle volonté meurtrière comme nous pouvons le constater dans le cas de Mumia Abu-Jamal.
Frank quant à lui a déjà fait appel plusieurs fois aux niveaux étatique et fédéral sans grand résultat. Lui et son avocat tentent de mettre en avant un certain nombre d'évidences certifiant de son innocence afin d'obtenir encore un nouveau procès. Dans le cas où les nouveaux éléments de preuves avancés seraient une fois de plus rejetés, le dernier espoir serait d'accéder au plus haut niveau de la justice pénale américaine, la Cour Suprême des Etats-Unis. Si celle-ci rejetterait cet ultime appel, (dans la mesure où elle aurait reconsidéré une première demande en appel du/de la détenuE en question, lui permettant alors de relancer le processus judiciaire), la seule issue possible serait alors de faire une demande de commutation de peine devant le conseil pénitentiaire des paroles. Ce conseil traite les demandes pour transformer la peine capitale en condamnation à perpétuité, ce qu'il n'a jusqu'ici jamais accordé.
C'est donc à la mort qu'aboutit cette succession de recours dans la quasi totalité des cas, un meurtre légal qui sévit en moyenne après 16 ans d'incacération, 16 ans d'efforts, d'humiliation, d'espoir et d'attente. Dans lequel cas, et ayant tissé des liens politiques aussi bien qu'affectifs avec Frank, je tiens à le saluer pour sa force et son travail militant et à lui dédier ce travail en vous offrant la possibilité de lire l'un de ses écrits, même si je sais pertinemment que Frank affronte la mort en dessinant des sourires à la fin de ses phrases, et dans la plus grande lucidité. Bonne lecture.*

 

Pour plus d'infos ou tout simplement pour lui écrire et le soutenir moralement, écrivez à :
Frank J. Atwood
ADC #62887
Unit SMU II (3-H-30)
Arizona State Prison Complexe Syman
Box 3400 - Death Row Florence, AZ 85232
U$A

*Note : Ayant rencontré certaines incohérences aussi bien au niveau de la grammaire que du sens et en raison dans certains cas d'un vocabulaire répétitif ou monotone, j'ai modifié ou remplacé certaines tournures et mots, en plus des contraintes qu'implique la traduction de l'anglais au français, tout en m'efforçant d'en préserver le sens initial. N'oublions pas que l'auteur de cet article va entamer sa 17ème année de détention, placé en isolement depuis le tout début, ce qui de toute évidence a eu beaucoup de répercussions à bien des niveaux, même s'il n'a pas été psychiquement détruit jusqu'à aujourd'hui (vous aurez d'ailleurs l'occasion de le voir s'exprimer lui-même à ce sujet dans son article). Ces modifications ont été entreprises dans le but de rendre la lecture de l'article qui suit plus facile et plus compréhensive pour touTEs et n'impliquent en rien une quelconque censure ou restructuration par son fond de ce qui a été initialement écrit par Frank J. Atwood.

 

CONTROL UNIT PRISONS
Par Frank J. Atwood, M.A.

Les Prisons de Sécurité Maximale sont des méga-prisons de sécurité maximale qui ont été conçues par le gouvernement et les autorités pénitentiaires pour contrôler l'esprit des prisonnièrEs, pour déterminer ce à quoi ils et elles penseront à travers des tactiques de privation sensorielle soigneusement élaborées, focalisant l'attention des détenuEs sur des soucis immédiats. Ces stratégies les rendent mentalement infirmes en créant une rupture psychologique, physique et spirituelle dans le but d'imposer leur docilité, assoméEs par l'humiliation, l'intimidation et la démoralisation.
Au-delà de ce traitement inconcevable imposé contre eux/elles, le gouvernemen fédéral et les fonctionnaires de prison tentent mal ingénieusement de justifier ces conditions de détention exécrables et affirment que "les pires des pires prisonnièrEs" méritent une telle brutalité. Cependant, ce sont toujours le/la prisonnièrE politique, l'assistantE juridique, les résistantEs au lavage de cerveau gouvernemental - plutôt que le/la dangereux/se ou violentE déteuE- qui finit dans les Prison de Sécurité Maximale. Cas percutant : le 3 Septembre 1997, touTEs les condamnéEs à mort d'Arizona furent déménagéEs à la Centrale. Une telle mesure pourrait sembler justifiée jusqu'à ce que l'on aprenne que les "mort-vivantEs" d'Arizona affichent le plus faible taux possible de risque institutionnel; c'est-à-dire qu'ils/elles constituent la population qui pose le moins de risques à la sécurité interne de la prison, même en prenant en compte ceux et celles détenuEs en sécurité minimum.
En plus de faire croire au public que les PSM sont nécessaires pour gérer les "pires des pires", les autorités pénitentiaires restent maîtres dans la manipulation des conditions appliquées au sein de la prison - un environnement qui produit un contrôle absolu sur la vie des prisonnièrEs : tâches internes, fichiers, traitement médical, régime alimentaire, courrier, promenade, ainsi que bien d'autres activités. Au coeur de cette atmosphère, les matons réduisent les détenuEs à un état d'infériorité établi. Sans la moindre hésitation, il est clair que le but ultime des PSM demeure d'abattre l'esprit humain. Avant de détailler les méthodes employées pour en arriver à cette fin ainsi que de nous intéresser à la dévastation mentale résultant de telles méthodes, penchons-nous brièvement sur l'histoire des Prisons de Sécurité Maximale.

 

I. HISTOIRE
Le concept d'utilisation de l'isolement et de la privation sensorielle dans les prisons -principaux outils utilisés dans les unités modernes- fit sa naissance dans les années 1820 au Pénitentier d'Etat de l'Est à Philadelphie en Pennsylvanie (également connu comme la prison "Modèle de Pennsylvanie"). La conviction prévalante à cette époque était que l'isolement carcéral menait aux remords, à la réforme et finalement à la réhabilitation par la privation sensorielle. Toutefois il devint rapidement évident que de telles méthodes causaient dépressions mentales et folie chez les prisonnièrEs.
Peu après l'établissement du "Modèle de Pennsylvanie" dans les années 1830, Charles Darwin se vit chargé d'une mission et observa que "les prisonnièrEs semblaient mortEs à tous les niveaux mais manifestaient en revanche comme signe de vie une anxiété tortuante et un désespoir horrible". Plus tard, dans les années 1840, Charles Dickens visita en conséquence le Pénitentier de l'Est et remarqua : "Je considère cette lente atteinte des mystères du cerveau comme étant démesurément pires qu'aucune torture physique". Par ailleurs, la littérature allemande parue entre 1854 et 1909 révèle que les conséquences de l'isolement carcéral incluaient les hallucinations (visuelle, auditive, tactile et olfactrice), les dissociations, l'hystérie, l'agitation physique et mentale, la violence aveugle, les illusions persécutoires et les psychoses (voir J. Ganser, Arch Psychiatr Nervenkr, 1898) Enfin, la Cour Suprême des Etats-Unis décréta en 1890 que la privation sensorielle et l'isolement carcéral causaient une aliénation violente et condamna leur pratique. En résumé, les prisons pratiquant l'isolement furent vivement critiquées tout au long du XIXème siècle en raison des diverses maladies causées par celui-ci et qui sévissaient chez les prisonnièrEs de façon massive, ce qui donna lieu officiellement à son abolition en 1913.
Mais l'histoire ne s'arrête pas là. En 1962, un professeur de psychologie de l'Institut de Technologie du Massachusetts (ITM), Edgar Schein, suggera que des techniques physiques, chimiques et psychologiques pourraient être utilisées sur les prisonnièrEs pour altérer délibérément leur attitude et leur comportement. Schein était un expert mondialement reconnu en contraintes psychologiques car ayant accompli des études approfondies sur les techniques de torture et de lavage de cerveau sur des prisonnièrEs de guerre pendant la guerre de Korée avec des ChinoisEs et des KoréenNEs du Nord. Schein proposa lui aussi l'isolement et la privation sensorielle afin de détruire la sociabilité parmi les détenuEs ainsi que pour rompre leur liens avec l'extérieur. Parce que les humains mettent en avant leur existence et leur personnalité à travers leurs contacts avec d'autres, l'isolement a un impact significatif sur leur psychisme. Cette forme de désorientation psychologique, l'ablation des autres au profit de la validation du personnel, devint connue sous le nom de "Principe Muttnik" (ainsi nommé par le psychologue Nathaniel Eraden) et fût également appelée la "Psychologie de l'invisibilité".
Sur la base des données de Schein, d'autres psychologues proposèrent d'utiliser des traitements psychotropiques pour isoler mentalement plutôt que physiquement les prisonnièrEs. Le psychologue James V. McConnel de l'université du Michigan suivit de près cette suggestion à travers un article intitulé "On peut faire subir le lavage de cerveau aux criminelLEs" (Psychology Today, Avril 1970). Enfin le psychologue B.F. Skinner fût l'auteur d'un livre en 1971, "Au-delà de la liberté et de la dignité" dans lequel il discutait la manipulation de l'esprit entreprise comme "celle de l'argile".
Sur la même lancée, l'ancien directeur de l'Office des prisons, James V. Bennet, suggéra que le système pénitentiaire fédéral était le cadre parfait pour l'expérimentation humaine des techniques de lavage de cerveau. Ces propos parvinrent au psychologue fédéral des prisons, Martin Groder, qui ordonna le transfert des agitateurs/trices, des suspectEs militantEs, de ceux/celles faisant du travail légal et autres détenuEs non-violentEs pour les éloigner de la population carcérale en les plaçant en isolement. Si les détenuEs devenaient dociles, des privilèges leur étaient accordéEs, sinon la torture psychologique continuait. Ces stratégies reflètent la proposition de Schein d'utiliser la réduction sensorielle pour obtenir en retour l'ouverture de failles prévisibles dans le système de défense mentale des prisonnièrEs, et qui pouvaient être comblées ensuite par la propagande d'Etat. En fait, Jessica Mitford rédigea un article, "La guérison par la torture : dans certaines prisons américaines, c'est déjà 1984 (Harper's, Août 1973) qui détaillait les résultats d'une expérince laboratoire élaborée destinée à tester les effets de la privation sensorielle sur l'esprit humain :
"La privation sensorielle, en tant que modificateur du comportement, a été le sujet d'une expérience durant laquelle les étudiantEs étaient payéEs 20 dollars de l'heure pour rester enferméEs dans de minuscules cabines d'isolement sans rien à faire. L'expérience devait durer au moins 6 semaines mais aucunE des étudiantEs ne put la supporter plus de quelques jours. Beaucoup firent l'expérience d'hallucinations frappantes...alors que dans ce cas, on leur inculquaient des messages de propagande. Peu importe la façon dont ceux-ci étaient présentés, ou combien illogiques ils sonnaient, le tout était que la propagande avait un effet marqué sur les attitudes de touTEs les cobayes - un effet qui dura au moins un an après qu'ils/elles soient sortiEs de l'expérience".

La première Prison de Sécurité Maximale ouvrit ses portes à Marion dans l'Illinois en 1972. Marion était un projet expérimental destiné à développer un programme pour détruire mentalement les prisonnièrEs. Il fût totalement fermé en 1983 et demeure tel quel depuis. La moyenne d'enfermement en cellule y était de 22h30 par jour.
Après l'ouverture de Marion, d'autres états à travers l'Amérique construisirent des prisons de sécurité maximale et, au début des années 1980, les PSM spécialisées dans la privation sensorielle commencèrent à prospérer. Vers 1996, on comptait 40 PSM renfermant autour de 15 000 détenuEs. Même le système pénitentiaire fédéral refit son entrée dans l'arenne lorsqu'il ouvrit une nouvelle PSM (Administrative Maximum ADX) à Florence dans le Colorado en Novembre 1994. Les prisonnièrEs à l'ADX bénéficient de 9 heures de récréation extérieure par semaine et passent 3 heures, 3 fois par semaine avec unE autre détenuE. Par ailleurs l'ADX comporte 4 étapes : 1. détention dans des cellules d'isolement ; 2. sortie de cellule pour se mêler à quelques autres prisonnièrEs ; 3. déplacement de la cellule à la "cour" de promenade non menottéE ; 4.un boulot et une meilleure alimentation.
Les conditions de la PSM d'Arizona sont bien pires. Il n'y aura jamais de va-et-viens avec d'autres prisonnièrEs, de déplacement sans être menottéE, de meilleure bouffe et encore moins du boulot. La promenade a lieu 3 fois par semaine mais seulement pendant une heure et seulE. Pour les prisonnièrEs de l'Arizona's Special Management Unit (SMU), cela revient à être enferméE 165 heures sur 168 par semaine, soit 98% du temps.
Voilà pour l'histoire de la privation sensorielle dans les PSM. Nous allons maintenant nous tourner vers les méthodes auxquelles elles ont recours et les conséquences dévastatrices qu'elles entraînent.

II. MÉTHODES
Les Prisons de Sécurité Maximale sont une tentative de lavage de cerveau et s'efforcent d'affaiblir les détenuEs par l'usage systématique de programmes tels que l'isolement, les abus physiques, la torture psychologique, la négligence médicale et d'autres formes sinistres de modification du comportement. Dans les annales des PSM, nous avons appris que de nombreuses méthodes actuelles ont été développées à partir de techniques de lavage de cerveau elles-même élaborées pendant la guerre de Korée. Nous y avons trouvé des compte-rendus confirmant que les méthodes de torture (psychologique) et de lavage de cerveau, employées auusi bien par la CIA que le KGB ont été adoptéespour être appliquées dans les PSM d'Amérique.
Dans la mesure de ces méthodes, l'une des vues d'ensemble les plus complètes réside dans le Diagramme de Biderman sur la contrainte pénale (réimprimé en 1983 par Amnesty International dans le Compte-rendu sur la Torture). Le diagramme est découpé en 8 sections dont chacune comporte 1 sous-partie suppléméntaire à propos du SMU qui détaille les stratégies utilisées dans la PSM d'Arizona.

Section I : Isolement
But : priver les détenuEs de soutien social aussi bien par le biais d'autres détenuEs que celui du monde extérieur, entraver leur abilité à tenir le coup, développer une inquiétude intense à propos de soi-même et créer une dépendance sur ceux qui ont le pouvoir sur leur existence.
Variantes : isolement solitaire ou en groupe et isolement partiel.
SMU : l'isolement en groupe est le résultat d'une punition collective.
UnE détenuE commet un acte et touTEs les autres sont puniEs. Des règles concernant touTEs peuvent également être modifiées. Leur rupture avec les sources extérieures s'opère par contrôle du courrier (censure, livraison retardée, retour arbitraire à l'envoyeur/euse, "perte"), par la mise sur écoute et l'enregistrement des 5 minutes de télécommunication hebdomadaires, par la séparation physique des détenuEs et de leurs visiteurs/euses grâce à une vitre en plexiglas (les 2 interlocuteurs doivent se tenir debout pendant
chaque visite -2 heures hebdomadaires- afin de pouvoir s'entendre grossièrement) et par la menace et l'accablement de ces dernièrEs de façon routinière (ce qui ne les encourage pas à revenir voir les prisonnièrEs).
Enfin, l'isolement des autres prisonnièrEs se traduit par l'enfermement en cellule 23h30 sur 24 en moyenne, par l'interdiction de toucher ou d'être touchéE par une autre personne (à moins d'être passéE à tabac par les matons), par l'absence d'accès aux services (éducation, religion, vocation) et par le désoeuvrement forcé.

Section II : Monopolisation de la perception
But : fixer l'attention des détenuEs sur leurs préoccupations immédiates, éliminer tout stimuli concurrençant ceux contrôlés par les ravisseurs et faire obstacle à tout ce qui n'entre pas dans la logique de la soumission.
Variantes : isolement, lumière étincellante, environnement stérile, mouvements restreints, alimentation monotone.
SMU : pour l'isolement, similaire à la section précédante. Un éclairage vif demeure allumé 17h30 par jour, ce qui produit un environnement clair (même la nuit, une "faible" lumière reste en marche). Nourriture fade,
absence de desserts sucrés, petites portions et déjeuners emballés toute la semaine constituent une alimentation monotone. Les prisonnièrEs sont systématiquement menottéEs dans le dos et escortéEs par un gardien à chaque sortie de cellule. Enfin, la pièce maîtresse des PSM en matière de privation sensorielle reste la mise en place d'un environnement stérile : murs laissés blancs, absence de vie végétale ou animale, privation d'air frais, de soleil, de ciel, de fenêtre ou d'une quelconque occupation. Les méthodes débattues précédemment -isolement, désoeuvrement forcé, interdiction d'accès aux services- contribuent à l'élaboration d'un environnement stérile.

Section III : fatigue et affaiblissement provoqués
But : affaiblir les capacités mentales aussi bien que physiques à résister.
Variantes : semi-inanition, provocation de maladies, exploration de blessures pré-existantes, privation de sommeil et contrainte prolongée.
SMU : au-delà des méthodes basées sur une alimentation pauvre, la semi-inanition est provoquée à partir de restrictions sévères sur les commissions d'achat (seuls la restauration rapide et les desserts sont disponibles, pas de nourriture saine proposée), de l'impossibilité d'obtenir une nutrition adéquate avec les repas servis par la prison et d'une vie extrêmement sédentaire. La défaillance quant à la provision de vêtements chauds lors des exercices extérieurs en hiver ainsi que lorsqu'il gèle à l'intérieur, le refus de traiter les maladies ou de fournir le traitement prescrit, ainsi que d'autres négligences médicales sont tous des facteurs de la fatigue physique et mentale. Les gardiens sont la cause majeure de privation de sommeil en raison du bruit volontaire et excessif qu'ils produisent toute la nuit (montant et descendant d'un pas lourd, ouvrant et fermant au hasard les sas d'entrée-sortie, hurlant, riant aux éclats et faisant beugler les talkie-walkies) et lorsqu'ils réveillent arbitrairement les prisonnièrEs au beau milieu de la nuit sous des motifs tels que des problème avec le courrier sortant, ou bien pour manque d'exhibition physique (complètement sous les
couvertures) ou encore pour excès (dormant nuE), et ainsi de suite. La contrainte prolongée implique, au fil des années, d'être escortéE partout, prisE-à-parti ou attachéE, ou encore d'être placéE au mitard.

Section IV : menaces
But : cultiver l'anxiété et le désespoir.
Variantes : menacer de mort ou de blessure et accorder des récompenses en échange d'une conformité partielle.
SMU : menacer de mort ou de blessure peut se produire verbalement et en fait, se produit souvent physiquement. Trop souvent, les prisonnièrEs sont gazéEs, changéEs de cellule par la force, battuEs pour se retrouver ensuite attachéEs pendant des heures, même des jours. S'ajoute à cela la violence, aussi bien entre détenuEs qu'envers les gardiens, constamment provoquée volontairement par la divulgation de faits et actes personnels, par le déclenchement de rumeurs ou par le placement arbitraire et occasionnel des
détenuEs à proximité d'ennemiEs connuEs. On est bien entendu soumis également aux fouilles à nu et aux fouilles de cellule, aux analyses d'urine et d'autres formes de harcèlement. Le recours à ces méthodes contre des prisonnièrEs préservant encore un lambeau de personnalité constitue une force de persuasion efficace pour obliger les autres à rester tranquilles. Par ailleurs, pour ouvertement démontrer de son pouvoir à recourrir à un tel harcèlement si nécessaire, dans le but de s'assurer la soumission des détenuEs, le personnel diffuse des messages...du bourrage de crâne. Cette utilisation arbitraire du pouvoir est une arme-clef.

Section V : indulgence occasionnelle
But : motiver la subornation et retarder l'adaptation.
Variantes : faveurs occasionnelles et altération des comportements.
SMU : motiver la subornation par des faveurs comprenant la suspension de certaines règles de façon intermittente, en fonction de la coopération dont fait preuve le ou la détenuE. Cela peut se traduire par une déposition épargnant au/à la prisonnièrE d'être fouillé à nuE ou réclamant des fouilles superficielles dans sa cellule, ou encore le consentement pour des moments de promenade préférés ou plus longs. Cela peut aussi se traduire par l'arrêt du harcèlement verbal et donner lieu à une certaine complicité par le biai de quelque discussion conviviale avec les matons. Bien entendu, ce contrôle unilatéral du sort du ou de la détenuE lui impose un environnement instable et l'empêche absolument de savoir à quoi s'attendre. Toute adaptation, tout
bilan des expériences vécues deviennent alors impossibles.

Section VI : Faire preuve de l'omnipotence
But : démontrer la futilité de toute résistance.
Variantes : confrontation et affichage du contrôle absolu.
SMU : démontrer sans fin qui a le pouvoir implique des gazages, des passages à tabac, et des enfermement au mitard. D'autres manifestations du pouvoir touchent au non respect des règles, en émettant des accusations disciplinaires complètement fausses ou inventées de toute pièce, mais aussi à l'usage de la video-surveillance permanente, et surtout, à l'impossibilité d'élaborer une quelconque stratégie de sortie. Pour la plupart des détenuEs, la seule façon de sortir des conditions de sécurité maximale est de lécher des pompes, de se lancer dans les procédures de libération conditionnelle sans fin, ou bien de mourir. C'est très clair, pour les condamnéEs à mort, la seule issue, c'est la mort (en moyenne après 16 ans).

Section VII : Dégradation
But : montrer que le prix de la résistance est bien plus endommageant pour sa propre estime que la capitulation et réduire les prisonnier-e-s à des inquiétudes d'un niveau animal.
Variantes : empêcher l'hygiène personnelle, promouvoir un environnement dégoutant, invoquer des punitions rabaissantes.
SMU : l'empêchement de l'hygiène personnelle s'opère en restreignant le nombre d'articles vestimentaires disponibles chez l'intendant ainsi qu'enlever le savon, le shampoing, et d'autres articles de la liste des
produits en stock. Forcer les prisonnièrEs à garder des poubelles pourissantes dans leur cellule et autoriser le ménage une fois par semaine au mieux. Ne pas fournir de tels outils essentiels, comme du détergeant, créer un environnement sale. Les gardiens, avocats et même les visiteur/euses passent souvent dans les cellules même quand on utilise les toilettes - il n'y a pas d'intimité. Les insultes et moqueries constituent ou font partie intégrante du harcèlement verbal. Comme pour les punitions dégradantes, cela
implique beaucoup des tactiques susmentionnées telles que se faire attacher nuE, se faire sortir de cellule par la force, les fouilles physiques et de cellule, être escortéE en se faisant tenir par des gardes portant des gilets
pare-balles et des lunettes de protection, être sujet à des rapports disciplinaires montés de toute pièce et les pénalités qui en découlent, et ainsi de suite.

Section VIII : faire appliquer des exigences banales.
But : développer l'habitude de la transigeance.
SMU : parmi les stratégies principales figurent les accusations disciplinaires montées de toute pièce auxquelles s'ajoutent l'application de règles violant des politiques intérieures établies. Les fouilles de cellule
servent également à saisir des biens personnels autorisés. Il faut noter que pendant ces fouilles, les prisonnièrEs sont menottéEs dans la douche, pendant qu'une équipe de matons retourne tout, abandonnant les affaires par terre en désordre ou endommagées. Ce sont plutôt des destructions de cellule que des fouilles.

III. RÉSULTATS
Après ce bilan des méthodes employées dans les PSM pour laver du cerveau les détenuEs dans le but d'imposer prétendument leur subornation, intéressons-nous aux résultats actuels de la privation sensorielle.
La dévastation causée par la détention en Prison de Sécurité Maximale est horrifiante !! L'un des experts les plus en vue sur les résultats de l'isolement carcéral -le docteur Stuart Grassian, membre du corps enseignant à l'école médicale d'Harvard- fût l'auteur d'un article en 1983 (Les effets psychopathologiques de l'isolement carcéral) dans lequel il établit un lien entre les soldats prisonniers de guerre en Korée et les prisonnièrEs dans les PSM américaines, ainsi que les effets dévastateurs entraînés par la privation sensorielle expérimentée. En général, le Docteur Grassian les décrivait comme causant l'agitation, des états de confusion incohérents, des hallucinations, la régression mentale, la dissociation, et un état hypnotique menant les
détenuEs au renfermement, à hurler et se cogner la tête contre les murs.
En contre-partie de ses recherches, le docteur Grassian étudia 14 prisonnier-e-s ayant passé en moyenne 2 mois en isolement carcéral à la prison de Walpole, Massachusets. Lorsqu'il fit le compte-rendu des résultats de cette étude particulière, il mit l'accent sur les efforts intenses accomplis par chacunE pour minimiser les effets de l'isolement. Cependant, après une étude assidue, il trouva que les symptômes suivants étaient résultats communs : coupures et auto-mutilation, peur et aliénation mentale, hypersensibilité aux stimulis externes (éclairage devenant incomfortable, odeurs paraissant très fortes, bruits causant une forte irritation), distortion de la perception et illusions, hallucinations, pertes de conscience, irréalisme, anxiété massive et indécise (menant à la panique, la peur et des difficultés à respirer), états de confusion pénétrants, amnésie partielle, problèmes de concentration et de mémoire, dissociation, désorientation, fantaisie de revanche agressive (torture et mutilation des matons), peurs persécutrices, suspicion, paranoïa, violence et manque de contrôle des impulsions.
En tant qu'expert-témoin du procès civil Madrid v. Gomez au milieu des années 1990, le docteur Grassian mena une autre étude impliquant des prisonnièrEs en isolement. Cette étude portait sur 50 détenuEs de la Prison de Haute Sécurité de Pelican Bay en Californie. En conclusion de son travail, le docteur Grassian se rendit compte que 40 des 50 détenuEs (80%) avaient soit exacerbé massivement une maladie psychiatrique, soit développé des symptômes psychiatriques associés à une stimulation environnementale réduite (SER) comme conséquence de l'isolement. SER est une maladie psychiatrique caractérisée par une distortion de la perception, des hallucinations, une hypersensibilité aux stimulis externes, fantasmes agressifs, paranoïa,
incapacité à se concentrer et faible contrôle de l'impulsion.

Dans la mesure des résultats sur l'isolement carcéral, un rapport du Journal Américain de Psychiatrie a confirmé que la privation sensorielle mène à des hallucinations, à des crises d'anxiété, à des problèmes liés au contrôle de l'impulsion, et à l'auto-mutilation. De plus, en conséquence de son expérience personnelle de la privation sensorielle dans les PSM, l'auteur de cet article a aussi fait l'expérience de la dépression, d'une sorte de mégalomanie, de maux de tête, et d'un comportement anti-social. En dernier lieu, en considération des effets de l'isolement, les ouvrages actuels (Dr Grassian et. al.) rapportent que la privation sensorielle altère véritablement l'équilibre chimique du cerveau, ce qui cause inévitablement des changements significatifs de la personnalité.
Par conséquent, en retraçant l'expérience personnelle de cet auteur, les études du docteur Grassian et les rapports du Journal Américain de Psychiatrie, nous voyons que rien n'a changé depuis que l'isolement carcéral fût connu pour causer des maladies et l'aliénation mentales dans les années 1800. Les études et rapports actuels sont quasiment identiques à ceux de l'Allemagne entre 1854 et 1909 (rappelez-vous, la littérature allemande faisait état de psychoses, d'hystérie, d'hallucinations, d'agitation, d'activation motrice, de dissociation, de violence aveugle, et d'illusions comme conséquences de l'isolement).

IV. CONCLUSION
Cet article a clairement démontré que les conditions des Prisons de Sécurité Maximale causent une rupture mentale chez les prisonnièrEs. En et d'elles-même, ces conséquences dévastatrices sont le plus tragiques. Cependant, ce qu'il y a d'encore plus terrible demeure le fait que le gouvernement est pleinement en connaissance de la destruction qu'elles causent aux être humains. Au milieu des années 1990, le docteur Grassian divulga les résultats de son étude toute entière, y compris celle réalisée
avec les 50 détenuEs de la PHS de Pelican Bay, aussi bien au niveau fédéral qu'étatique. Toutefois, plutôt que de mener une action correctrice, et de saisir immédiatement la commission pénitentiaire à propos de telles atrocités, le gouvernement fédéral promulga le Prison Litigation Reform Act (Loi pour la Réforme du Litige Pénitentiaire, PLRA) en 1996. Le PLRA empêche les prisonnièrEs d'intenter un procès, de manière effective, pour "dommages émotionnels et mentaux" à moins d'être en mesure de prouver qu'ils/elles
aient subi un dommages physique. Il est clair que le gouvernement a promulgué le PLRA pour spécifiquement écarter les poursuites et ainsi épargner le gouvernement et les prisons de toute responsabilité. Cela n'est que le résultat direct de sa connaissance absolue et de son intention même de pratiquer la torture psychologique dans les Prisons de Sécurité Maximale, mais surtout, d'entraîner leur conséquences dévastatrices. Dieu aides-nous touTEs.

 

Frank J. Atwood, prisonnier anarchiste américain condamné à mort

 

 

RECUEIL

Commentaires sur les Prisons et Quartiers de Sécurité Maximale, l'isolement carcéral, la torture psychologique et la privation sensorielle

"Les prisonnièrEs sont réduitEs à un monde de béton dans lequel ils et elles ne voient jamais un seul brin d'herbe, la terre, des arbres ou un quelconque élément appartenant au monde naturel (...) Il ya des plaintes
contre le fait que ceux/celles qui se comportent mal alors qu'ils/elles se trouvent déjà en PSM soient placéEs dans des cellules de dépouille où la température peut être réglée à près de 50°C avec seulement un caleçon à porter et sans lit quelconque pour dormir. Ils/elles peuvent être également attachéEs en croix et nuEs sur des lits en béton (...)

Au pénitentier d'Etat du Colorado, les détenuEs entrent en Niveau I et on attend d'elles/eux de passer en Niveau II puis III : en Niveau I, ils/elles n'ont pas de privilège. Ceux et celles en Niveau II ont la télévision, mais
les programmes sont déterminés par la station propre de la prison. Les détenuEs en Niveaux I et II doivent être menottéEs mains et jambes avec une chaîne les reliant à une ceinture ventrale et doivent être escortéEs par au moins 2 gardes à chaque fois qu'ils/elles quittent leur cellule. En Niveau III, "les prisonnièrEs sont autoriséEs à marcher les 50 pieds menant à la douche ou à la salle de promenade ou au téléphone sans escorte. Les prisonniérEs en différents niveaux sont mélangéEs dans chaque unité, de sorte à ce que les privilèges de ceux/celles en Niveau III soient visibles à touTEs" (...)
Dans le pénitentier fédéral à Marion dans l'Illinois, les fonctionnaires affirment que moins de 9% des détenuEs sont directement entréEs en unité de haute sécurité parce qu'ils/elles étaient impliquéEs dans des crimes organisés, des activités "terroristes", le traffic de drogue ou autres crimes similaires et pour lesquelLEs on croit avoir besoin de sécurité spéciale. On détermine que les 91% restantEs ont été fortement menaçantEs ou soient enclin à l'evasion : 25% fûrent impliquéEs dans des meurtres ou tentatives de
meurtre en prison, 48% dans des évasions ou tentatives d'évasion et que plus de 70% ont des antécédants de comportement violent alors qu'ils/elles se trouvaient en prison (...)
Selon une enquête sur les prisonnièrEs, les gardiens de prisons ainsi que les familles et visiteurs/ses des détenuEs dans 41 états, les comportements dominants qui avaient pour résultat de sévères mesures disciplinaires étaient des prisonnièrEs verbalement hostiles envers les gardienNEs ou refusant de suivre les ordres." Alice Lynd

"Dans le New Jersey, l'usage par les prisonnièrEs de symboles Afrocentriques, de mots Swahili et cartes d'Afrique rouges ou vertes sont touTEs considéréEs comme des "paramilitaires" par les bureaucrates de l'administration. L'engagement de poursuites déposées en 1992 accuse la prison d'Etat du New Jersey de violer le Quatorzième Amendement -garantie d'une protection égale- à cause d'une pratique régulière plaçant les Africains Américains qui mettent en avant des opinions Afrocentriques dans un
lotissement isolé appelé le Management Control Unit (MCU). Le quartier MCU de la prison d'Etat du New Jersey détient 75 prisonnièrEs considéréEs comme une "menace pour la sécurité institutionnelle" (...) La MCU est réservée pour ceux et celles qui pourraient représenter une menace. Et ceux/celles identifiéEs pour cette amorphe catégorie sont accamblement Afro-américain (95%) dans une prison où leur effectif global est de 64%. AucunE n'a été accuséE d'avoir pris par dans un acte quelconque de violence ou d'avoir violé une règle intérieure." Rapport de prisonnièrEs aux organisations des Droits de l'Homme (1).

"Le quartier "psychiatrique" c'est de la merde. A Össendorf, comme partout, leur stratégie vise à anéantir, avec la participation des psychiatres, avec des méthodes conçues par des psychiatres et prônées par le conseil de sécurité de l'Etat. Comme toute science impérialiste, la psychiatrie est un moyen, non une fin." Lettre d'Ulrike Meinhof, membre de la RAF, à Anna Krabbe, 23 Mars 1976.

"Je ne suis pas enfermée ici dans cette pièce par moi-même...Je n'ai attaqué personne. J'ai été délibérément emmenée dans une cellule d'isolement pour avoir hurlé et j'ai fait une crise et frappé un agent dans l'aine. Il m'avait marché sur les pieds. Je stoppai ma crise attachée à un lit. Même l'assistant social témoigna pour moi à mon interrogatoire de classification en disant que je n'avais pas besoin de Sécurité Maximale. Cet endroit ne vous enlève pas seulement votre liberté mais il vous prend également votre être-
même. Votre personnalité est condamnée à changer du fait de conditions telles que la solitude, la frustration et la dépression. Vous savez que vous avez le potentiel pour vous en remettre mais on ne vous y autorise pas." Déclaration de l'une des 14 prisonnièrEs de la Prison de Sécurité Maximale du Colorado (1).

"Le pouvoir a enfermé les différences intérieures de l'être humain dans une réalité imposée et monolithique qui permet à l'Etat de contrôler, gérer et détruire la société entière dans une sorte de schizophrénie collective qui nous éloigne toujours un peu plus de l'essentiel." Un rebelle dans les FIES, quartiers d'isolement espagnols.

"Tous les aspects de la vie en Sécurité Maximale ont pour sens de dévaloriser et de dégrader l'âme-même du/de la prisonnièrE, le but étant que une fois "libéréE" dans la population générale ou les conditions sont quelque peu meilleures, le/la détenuE ne cause pas/plus de problème...par peur d'être renvoyéE en Sécurité Maximale". John Perotti, après avoir passé 10 ans en Sécurité Maximale (1).

"J'ai passé 2 mois dans la cellule d'isolement qui est une pièce noire de 90cm x 90cm; puis j'ai passé 7 as dans la division de discipline où il n'y a aucune lumière". Ali Haidar, ancien détenu (libanais) de la prison de Khiam récemment fermée suite au retrait des troupes israèliennes du Liban Sud.

"A la maison d'arrêt de Nanterre, le "frigidaire" a failli faire une victime. Un jeune détenu, S.M., a été retrouvé par une infirmière dans le coma et froid. Donné pour mort, il était en état d'hypothermie avancé (...)
Toujours est-il qu'ils sont placés au mitard ou plus exactement au "frigidaire", nus et le carreau de la fenêtre cassé. Il fait -1°C cette nuit-là. Ils n'ont pas de couvertures mais "les cellules sont chauffées par le
sol" dit l'administration". (5)

"Ce quartier est situé dans l'une des ailes du bâtiment "psychiatrie pour femmes" de la prison, séparée du corps de bâtiment et spécialement aménagée pour être isolée accoustiquement (...) Les cellules situées au-dessus et à côté (de celles des prisonnières) sont restées inoccupées le temps de leur détention; ainsi aucun bruit ne pouvait leur parvenir. Les murs et l'ameublement de la cellule étaient entièrement blancs et la lumière du jour ne pénétrait (à l'intérieur) que part une étroite fente recouverte d'un très fin grillage. Les prisonnières de l'aile spéciale de Cologne-Össendorf vivaient 24 heures sur 24 sans milieu ambiant discernable" (4).

"Les gens viennent là-dedans avec peu de problèmes et repartiront sociopathes. L'isolement rend les gens cinglantEs, coléreux/ses et les dissocie de la réalité. Ils/elles deviennent des gens moins bons (...)
Observez n'importe quel animal en cage et vous verrez ce qui se passe en Sécurité Maximale. J'ai vu des gens au bout du rouleau, hurlant sans fin ou pleurant, des gens devenir très déprimés, anti-sociaux et voulant prendre revenche sur la société pour l'avoir construite (...) C'est comme s'ils voulaient faire de moi un tueur. Je ne sais pas. C'est difficile à expliquer mais je commence vraiment à haïr les gens." Déclaration d'un prisonnier en Sécurité Maximale à la prison d'Etat du Colorado (1).

"On est déclassé lorsqu'on travaille et on est puni de 30 jours sans travail lorsqu'on revient du mitard. Alors celui qui ne reçoit pas d'aide extérieure a des problèmes de cantine pour les cigarettes, le café, les
papiers, les timbres,etc...Et celui qui travaille pour payer son avocat ? C'est ça le mitard". Témoignage d'un détenu français.

"Les FIES, conçus par le ministre de l'intérieur de l'époque Antonio Asuncion, furent élaborés et initiés dans le but de détruire l'ssociation APRE et les prisonnièrEs considéréEs comme les plus conflictuelLEs ou les récidivistes en évasion". Xosé Tarrio, prisonnier en lutte contre les FIES, quartiers d'isolement en Espagne.

"Les femmes ne représentent généralement pas un risque pour les autres; cependant beaucoup présentent un risque pour elles-même. Des recherches suggèrent qu'un tel environnement punitif exacerbe et pourraient contribuer à la violence des femmes dirigée contre elles-même". Psychologue américain, référant aux femmes détenues dans les prisons fédérales canadiennes (1).

"Le mitard, une véritable machine à broyer les détenuEs à l'intérieur de la prison. On est enferméE dans une cellule à l'intérieur de laquelle il y a une cage en grille, sans lit, sans matelas, sans lavabo, sans fenêtre.Une
véritable cage pour fauve au sous-sol ou au rez-de-chaussée des prisons. On est soumisE toute la journée à l'obscurité, le soir on vous jette un matelas en mousse avec une couverture, le matin, au petit jour, on l'enlève. De 7h à 18h30, le/la détenuE tourne en rond dans sa cage. Seul dans sa solitude, il y a deux trous à la base du plafond, de la dimension d'une brique chacun pour aérer la cage. En hiver, le froid est insupportable, si bien qu'on en a mal dans les os". Témoignage d'un détenu français.

"Plus ils mènent la merde de manière libérale -délicate, discrète, gentille, légère, sournoise, c'est-à-dire plus psychologique- plus la destruction de la personnalité des prisonnièrEs est complète. La bête noire
des psycho-flics, ce sont les prisonnièrEs politiques. Car s'ils veulent agir, ils doivent empêcher les prisonnièrEs de découvrir qui se cache derrière les apparences de docteurs, de psys ou de travailleurs sociaux. De toute façon, les "politiques" (le) découvrent et c'est pourquoi manipuler et conditionner ces prisonnièrEs devient nécessaire pour faire obstacle à la menace qu'ils/elles représentent pour les porcs. Aujourd'hui, nous sommes isoléEs, demain ça sera le camp de concentration. Réforme : Tréblinka;
réforme : Buchenwald." Communiqué de 80 prisonnièrEs allemandEs en grève de la faim, Mai 1973 (3).

"Une prison érigée pour les détenuEs particulièrement violentEs ou problématiques finira inévitablement avec un nombre disproportionné de malades mentaux/ales (...) De plus, pour certainEs détenuEs, la sévérité des conditions à la SHU (Unité de Détention de Sécurité) exacerbe des maladies mentales pré-existantes ou résulte dans le développement de symptômes psychiatriques n'ayant pas été observés antérieurement ". Court fédérale de Californie (1).

"Les autorités pénitentiaires ont une quasi-confidentialité pour assigner n'importe quel détenuE en Sécurité Maximale sur la plus infime suspicion, sans passer par aucune procédure légale (...) ou une quelconque revue judiciaire". Communiqué du NAACP à (l'ancien) secrétaire d'Etat américain Warren Christopher (1).

"Vivre 24 heures sur 24, mois après mois, année après année, dans des conditions qui soumettent l'individu à une tension insupportable, fouilles humiliantes, insultes, provocations continues, maltraitement physique et psychologiques, tabassages et tortures, signifient pousser les gens au suicide. Il est connu que la majorité des détenuEs souffrent de désordres psychosomatiques, angoisses, phobies, tachicardie, impuissance". Communiqué des prisonnièrEs en lutte contre les FIES, quartiers d'isolement en Espagne.

"Le sentiment que ta tête explose, le sentiment qu'en fait la boîte cranienne va se casser, exploser. Le sentiment que le cerveau se ratatine comme un pruneau. Le sentiment que tu es sans cesse sous tension, que cela se voit et que tu es téléguidéE (...) Le sentiment que la cellule bouge - tu te réveilles, tu ouvres les yeux - la cellule bouge, l'après-midi, quand le soleil brille, elle s'arrête tout d'un coup. Tu ne peux pas te débarrasser de ce sentiment que tu bouges. Tu ne peux pas savoir pourquoi tu trembles : de fièvre ou de froid. Tu ne peux pas savoir pourquoi tu trembles, tu gèles. Pour parler à voix normale, il faut faire des efforts comme pour parler très fort, il faut presque gueuler. Le sentiment de devenir muet. Tu ne peux plus identifier le sens des mots - tu ne peux plus que deviner - l'usage des sifflantes : s, ss, tz, sch, est absolument insupportable. On ne peut plus contrôler la syntaxe, la grammaire. Quand tu écris deux lignes, tu ne peux pas te rappeler le début de la première (...) Une agressivité démente pour laquelle il n'y a pas de soupape. C'est le plus grave, la conscience claire qu'on n'a aucune chance de survivre, l'échec total, pour faire passer cela, le faire comprendre aux autres". Lettre d'Ulrike Meinhof à son avocat (3) & (4).

"Nous voulons qu'ils/elles détestent cet endroit". Directeur de l'information publique du pénitentier d'Etat du Colorado, aux visiteurs/euses des prisonnièrEs (1).

"Les porcs gèrent les prisons assez bien, plus il ya de réformes, plus ils contrôlent et dirigent la Justice (...) Pour les lavages de cerveau : psychiatrie / docteurs-flics / valium et violence sournoise. Un mot résume l'humanisme des porcs : hygiène". Déclaration des prisonnièrEs de la RAF (3).

"Les gens ont besoin d'autres êtres humains en tant qu'indicateur de la réalité. La plupart des gens veulent savoir quelles réactions les autres gens peuvent avoir à l'égard de ce qu'ils/elles pensent et ressentent". Dr Craig Haney, psychologue expert dans les effets psychologiques des Prisons de Sécurité Maximale (1).

"À Ensisheim, j'ai été son seul contact avec l'extérieur, jusqu'à ce qu'il refuse de me voir, il y a trois ans, étant donné sa psychose. Mon rôle était plus social que juridique et je me sentais complètement impuissant
(...) Ces derniers temps, il entendait des voix, leur parlait : il commençait à douter de son identité, croire qu'il était une autre personne et donc qu'il n'avait rien à faire en prison. Sa maladie, déclenchée par le règlement rigoureux de la prison, ne peut trouver une amélioration. L'Etat doit reconnaître (...) que son état est incompatible avec son incarcération. C'est comme une peine dans la peine. Le seul traitement humain qui s'impose est sa libération immédiate". Déclaration de Martin Heiming, avocat de Georges Cipriani (membre d'Action Directe) lors de la campagne pour sa libération immédiate et l'amélioration des conditions de détention des autres membres de l'organisation en Janvier et Février 2000.

"On tournait tous les deux en cour de promenade. Je ne m'en suis pas aperçu tout de suite. Il barjotait doucement mais c'était pas évident. Il avait surtout des crises la nuit. Je sentais qu'il ne dormait pas (...)
C'était l'époque où l'on faisait une grève de la faim tournante (...) Au bout d'un moment il a craqué totalement (...) Il mettait le drapeau à 6 heures du matin (pour appeler le surveillant), c'est-à-dire la lumière devant la porte;
dans la nuit, il avait préparé son paquetage, il disait : "On m'attend au greffe", ou il passait toute la nuit à nettoyer sa cellule (...) Fin 1993-début 1994, il pétait les plombs complètement. C'était très humiliant. Parce
qu'en plus, il y avait des surveillants qui se foutaient de sa gueule, qui le relançaient quand il était seul en cellule, qui rigolaient de lui (...) Il criait la nuit...une phase de délire intense. Il faisait des listes tout le temps, même à la douche, il avait un carnet avec des listes de mecs, il faisait des ratures, il rajoutait, il écrivait. Moi je le voyais, mais même à moi il ne me faisait pratiquement plus confiance. Il délirait en disant : "Cette nuit on est passé en commission de ci ou ça...", vraiment du délire total". Extraits d'un témoignage de Jean-Marc Rouillan à propos de son camarade Georges Cipriani, membre d'Action Directe.

"La privation sensorielle consiste en effet à réduire et si possible à annuler toute différence de perception (jour/nuit, silence/bruit...); aucun changement acoustique ou visuel ne doit parvenir au sujet placé dans un
milieu artificiel approprié. Les organes des sens alors privés de toute stimulation subissent une atrophie comparable à l'atrophie des muscles à la suite d'une immobilisation forcée et prolongée.
Les premières expériences concernant la privation sensorielle ont été réalisées au cours des années 1950 et 60 aux Etats-Unis dans le cadre des programmes dela CIA appelés "Blue Bird", "M.K. Ultra" et "Milk Delta" rendus publics en 1977 sous l'Administration Carter" (4).

"Ici, dans des compartiments comparables à ceux d'un mortuaire que sont les centres pénitentiers de Pennsylvannie, "la vie" condamne littéralement à l'emprisonnement pour la durée naturelle de la vie sans aucun espoir de libération conditionnelle. "La vie" est alors une triste métaphore de la mort, car seule la mort peut libérer des chaînes. "La vie", pourrions-nous dire, n'est alors qu'une mort lente." Mumia Abu-Jamal, journaliste prisonnier politique Noir américain membre du Parti des Blacks Panthers (2).

"Les relations agents-prisonnièrEs ont été modifiées pour ressembler à des relations patients-infirmiers/ères." Chef-évaluateur du BSU (Unité Spéciale de Barlinnie) en Ecosse.

"Le prisonnier politique qui comprend politiquement sa situation, qui agit et est traité en conséquence, qui reconnaît à travers l'inhumanité de sa situation, l'inhumanité du système, qui ressent de la haine et de la révolte, qui agit avec solidarité et exige la solidarité, celui-là est isolé = tué socialement.
En face de lui, la justice du système a toujours ignoré les Droits de l'Homme et la Constitution parce qu'il ne peut pas être manipulé et s'il n'est pas abattu, il est toujours un problème. Resocialisation = manipulation + dressage.
Ceux qui ont été sélectionnés pour ça sont condamnés à vivre entre des murs, des gardiens, des règles, des promesses, des menaces, des espoir, des peurs, des privations aussi longtemps qu'il sera nécessaire pour eux d'accepter la merde et d'agir uniquement depuis le dernier échelon de l'échelle : ça c'est le dressage.
La collaboration du prisonnier est espérée bien sûr et fait partie du processus qui raccourssit et rend irréversible. Parce qu'il y a une chose que le prisonnier perd complètement à travers ce processus : le respect de lui-même : ça c'est la manipulation." Déclaration de la RAF pendant la grève de la faim débutée en Mai 1973 (3).

"Donc, compagnons otages, souvenez-vous, la prochaine fois que vous serez
fouillés, insultés, humiliés, menacés, attaqués, déportés à travers le pays
dans une petite boîte en acier, obligés d'uriner dans une tasse en plastique,
obligés de vous nourrir dans des toilettes, ou enfermés dans une cellule
23h30 sur 24, vous serez traités avec "humanité". Mark Barnsley, condamné à
+12 ans suite à une machination politico-judiciaire.

(1) tiré de l'article compilé par Alice Lynd.
(2) tiré de son livre "La mort en fleurs ".
(3) tiré du livre "A propos du procès Baader-Meinhof".
(4) tiré du livre "La fraction Armée Rouge - Guérilla urbaine en Europe occidentale".
(5) tiré du Guide du prisonnier, par l'Observatoire International des Prisons.

Cette brochure est une contribution à la lutte des prisonnièrEs contre la torture blanche de l'isolement carcéral et la privation sensorielle. Sur la base d'un article rédigé par le prisonnier américain Frank J. Atwood, qui subit un tel traitement depuis bientôt 17 ans, nous avons voulu élaborer un document exposant les méthodes employées pour détruire mentalement les détenuEs, ainsi que le perfectionnement qu'elles ont pu connaître aussi bien aux États-Unis qu'en Europe au cours du temps.
Même s'il est évident que Big Brother reste en avance quant à l'ampleur de l'institutionnalisation de ces pratiques visant à l'anéantissement psychologique de populations carcérales toutes entières, les quartiers d'isolement et autres mitards en Europe ne cherchent pas moins à aliéner les "composants gênants" au sein de la hiérarchie des classes en leur ôtant leur force majeure : leurs convictions politiques et leur capacité à raisonner.
C'est par ailleurs pour cette raison que la plupart des militantEs anti-impérialistes emprisonnéEs y sont passéEs un jour ou l'autre...et n'en sont sortiEs, s'ils/elles n'y sont pas mortEs, qu'une fois leur mort psychique constatée.
Lutter contre l'isolement demeure non seulement une lutte contre "la prison dans la prison" et la volonté de l'Etat tortionnaire d'en finir avec ses pires enemiEs, mais aussi une lutte pour la survie des expériences politiques et révolutionnaires que ceux/celles-ci ont apporté à l'histoire de la lutte des classes. Les soutenir en s'opposant aux lavages de cerveau et autres méthodes scientifiques utilisées pour en faire des bouts de viande à qui on a détruit l'identité personnelle et politique, c'est défendre l'idée que subsistera demain encore la résistance.
L'ISOLEMENT CARCÉRAL DÉTRUIT, DÉTRUISONS L'ISOLEMENT !!!