Les Prisons de Sécurité
Maximale (PSM) sont des méga-prisons dont la caractéristique
principale demeure l'isolement systématique de toutE detenuE.
Elles incarnent par là même une volonté absolue
de la part de l'État américain de redonner
force et but au système pénitentiaire : détruire
toute idée de nuisance, d'opposition et de résistance
dans l'esprit des prisonnièrEs. Cependant cela ne va pas
sans les empêcher de penser et de s'organiser. Car s'il
y a un outil par lequel l'Administration peut contrôler
l'agitation dans les prisons à la base, et elle l'a bien
compris, c'est la séparation physique des prisonnièrEs.
Mettre le peuple derrière les barreaux c'est bien, l'empêcher
de s'unir, de s'organiser et même de communiquer, c'est
encore mieux. Aussi bien à l'intérieur
des établissements penitentiaires qu'au dehors, rompre
le tissu social pour mieux faire suffoquer la contestation,
mais aussi et surtout l'esprit de combativité, demeure
une politique sur laquelle des générations de politicienNEs
se sont penchéEs. Diviser les buts, les causes, les
luttes, les travailleurs/euses, les prisonnièrEs, les
oppriméEs pour les condamner à la solitude,
au monologue, au fléchissement, pour finalement crever
dans la décadence en individus assujettiEs, collaborant
"contre leur gré" par manque de soutien, de
répondant et d'une quelconque influence sur la misérable
existence que leur dessert le capitalisme mondialisé.
Car c'est bien dans cette société qui nous est
présentée comme la nôtre, dans laquelle nous
prétendons détenir un certain pouvoir de décision
par pure foi démocratique, où l'on sourit à
outrance en astiquant sa nouvelle voiture ou en faisant ses courses,
que se dressent ces véritables "camps de la mort"
que sont les Prisons de Sécurité Maximale. CertainEs
trouveront peut-être le mot "un peu fort"
mais il demeurera pour nous objectivement approprié. Et
pour cause, après les prisons centres d'épuration
de la société, après les
"prisons dans les prisons" que sont les quartiers
d'isolement et autres mitards, nous voici à l'ère
de la super prison centre d'épuration de la prison.
Empêcher l'agitation au sein même de la taule et
laver du cerveau ceux et celles qui s'aventurent sur le dangereux
terrain de la résistance ou de la rébellion,
tel est le concept de base sur lequel les États-Unis
ont érigé les PSM. Car ces forteresses n'existent
pas pour maintenir enferméE le/la prisonnièrE
de droit commun pour qui la prison standard suffit à
obtenir soumission et discipline. Elles existent pour briser
ceux et celles pour qui cette étape préliminaire
n'y est pas parvenue.
L'auteur de l'article qui suit, Frank John Atwood, est détenu
dans les couloirs de la mort depuis bientôt 17 ans et
se trouve actuellement à Prison de Sécurité
Maximale d'Arizona où touTEs les condamnéEs à
mort ont été transféréEs pour des
raisons liées à l'évasion. En effet, si l'on
veut donner à une évasion le maximum de chances
de réussir, cela nécessite un minimum d'aide
de la part d'autres camarades aussi bien à l'intérieur
qu'à l'extérieur. Mais dans les conditions de
sécurité qui sont celles des PSM, une telle
idée n'a même plus la chance de germer dans la tête
des détenuEs. La domination éxercée sur
chacunE d'entre eux/elles par l'isolement constant assure aux
matons un calme et un pouvoir dont rêvent nombre
de leur confrères.
Frank nous fait part des différents "types" de
presos y étant incarcéréEs : membres de
gangs de prison, détenuEs suscitant des problèmes
disciplinaires, faiseurs/ses de troubles, ceux/celles essayant
d'organiser les prisonnièrEs et de dresser des revendications,
se plaignant, tentant de réagir face aux diverses attaques,
atteintes et autres abus de la part des matons, engageant la
prison dans "des actions indésirables", prenant
la défense d'autres détenuEs ou faisant de l'assistance
juridique, et en résumé à peu près
n'importe qui ne s'étant pas attiré la sympathie
de la sacro-sainte Administration pénitentiaire. Mais
les PSM sont également une destination couramment
attribuée aux prisonnièrEs proprement ditEs
politiques. Selon les différents établissements
se trouvent également enfermés des membres du
Black Panther Party, de la Black Liberation Army, des militants
islamiques, des indépendantistes Puerto Ricains, des
victimes d'opérations de la CIA, des anarchistes et autres
insurrectionnelLEs telLEs que Frank ou encore des membres du
Mouvement des Indiens d'Amérique, etc. En clair, touTEs
ceux et celles qui se trouvent dans le colimateur de
l'IntelligienCIA américaine. On se rend compte dès
lors que les PSM sont des prisons à caractère
politique étant donné que les détenuEs
sont soit directement issuEs de mouvements de lutte, soit des
individus informellement politiséEs du fait d'une certaine
attitude peu coopératrice avec le régime pénitentiaire
ou menaçant l'intégrité d'une prison.
Les prisonnièrEs atteintEs de maladies mentales pouvant
être liées aussi bien à la "vie"
en prison, à l'isolement carcéral qu'à certains
antécédants font aussi partie du menu des voraces
PSM et représentent environ 10% de leur population.
Des rapports provenant du Texas décrivent quelques
unEs de ces taulârdES s'adonnant à l'auto-mutilation,
à des hurlements sans fin et allant même jusqu'à
se cogner la tête contre les murs de leur cellule. La négligeance
de traitements adéquates est bien entendu un facteur
majeur du cercle vicieux dans lequel nombre d'entre eux/elles
sombrent et qui les mène à enfreindre davantage
les règles, ce qui en conclusion se traduit par un durcissement
du régime qui leur est soumis et des peines supplémentaires.
Quant au genre, et pour en revenir à l'exemple de la
PSM d'Arizona, la population est composée de 24 000
prisonniers et de 2000 prisonnières mélangées
aux autres car il n'existe pas d'unité permanente pour
femmes. La plupart d'entre elles y sont incarcérées
pour des périodes de 10 à 30 jours en tant que
punition disciplinaire. Cependant, le placement des femmes en
unité de contrôle les expose à une punition
supplémentaire : celle de l'abus sexuel. Leur séjour
périodique et solitaire dans ces complexes pénitentiers
à large population masculine, tant au niveau des détenus
que des matons, rassemble toutes les conditions favorisant
l'émergence d'une telle menace. Cet argument est toutefois
à double tranchant et c'est ainsi que, sous couvert
de vouloir protéger ses dévoués sujets,
le Département Correctionnel d'Arizona a été
autorisé à placer en PSM les femmes ayant porté
plainte pour abus sexuel, pour que celles-ci soient en sécurité
!! Ben voyons...
Pour en venir aux conditions générales de détention
sur lequelles Frank J. Atwood reviendra un peu plus loin,
une caractéristique poignante des Prisons de Sécurité
Maximale reste la mise sous vidéo-surveillance permanente
de toutes les cellules qui engendre bien évidemment
l'absence totale d'intimité pour les détenuEs.
Typiquement, les cellules n'ont pas de fenêtre, ce qui
laisse une chance infime aux prisonnièrEs d'entrevoir
la lumière du soleil, et ce d'autant plus que les promenades
ont lieu dans une "autre cellule" entièrement
close située à proximité de la leur. La
seule lumière émise sont les néons contrôlés,
tout comme les portes, par ordinateur central et que les gardiens
peuvent laisser allumés ou éteints à leur
gré de jour comme de nuit, ce qui peut constituer un
facteur supplémentaire de pression psychologique sur les
prisonnièrEs.
Quant au matériel et autres biens personnels, et pour
en revenir à l'exemple du complexe pénitentier
d'Arizona, les détenuEs sont autoriséEs à
posséder un téléviseur, un petit radio-cassette,
7 livres et 5 magazines devant provenir d'une librairie. Les
zines, bulletins, brochures et lettres sont généralement
autorisés tant qu'aucun sujet portant sur les évasions
ou la violence en prison n'y est débattu. Les visites,
pour lesquelles les autorisations sont minutieusement sélectionnées
en vue d'orientations psychologiques définies par l'établissement
en question, ont lieu une fois par semaine pour une durée
de 2 heures sans contact physique, bien entendu (une vitre en
plexiglas sépare les 2 interlocuteurs/trices). Tout cela
étant bien sûr relatif à l'humeur des
gardiens, à l'établissement et au/à la
détenuE en question car comme dans toutes les prisons,
les conditions de détention ont été
conçues dans le but même de contrôler la
pensée des prisonnièrEs. Ils/elles peuvent se
voir confisquer leur courrier, leurs lectures, leurs crayons
ou n'importe quel autre bien personnel ayant une importance
pour eux/elles et pouvant être utilisés par conséquent
comme un moyen de pression en plus.
Cependant dans les conditions qui sont celles des camps de la
mort, où le contrôle exercé sur CHAQUE individu
est accru par l'isolement imposé entre touTEs, ces
petites choses qui embellissent véritablement la
"vie" quotidienne prennent une toute autre ampleur.
Ce sont les ultimes résidus de vie qui permettent à
chacunE de se reconnaître en tant qu'être humain plutôt
qu'en objet de l'aliénation. Leur importance n'a plus de
prix, pas même celui de leur propre dignité, au
sein de ces camps ou ne règne que la toute puissance
de Big Brother. Nombre de prisonnièrEs feraient n'importe
quoi pour conforter les matons dans leur rôle de maîtres
afin de ne pas se les voir supprimer, pas même partiellement.
C'est en étant tenuEs à cela, et à la
crainte de devenir la cible d'un mauvais traitement accru qu'un
comportement peu collaborateur pourrait susciter, que 90 à
95% d'entre eux/elles ont été briséEs psychologiquement.
Frank remarque à ce propos que "la vaste majorité
des taulârdEs ne veulent pas se dresser pour eux/ elles-mêmes
ou créer des ennuis". Et pour se donner une idée
de l'ambiance, "ils se montrent beaucoup plus gentils et
font preuve de beaucoup plus de respect envers les matons qu'envers
lui-même. Il les voit ramper devant eux avec docilité
et obéissance - ça le rend malade, tout comme
ça le rend malade d'entendre son voisin de cellule dire
merci à chaque fois qu'un gardien vient lui apporter
quelque chose"...
Mais il ne faut pas oublier que, au-delà du régime
appliqué dans les Prisons de Sécurité
Maximale, un tel degré de soumission est le résultat
de programmes de conditionnement psychologique, tout comme
il ne faut pas oublier que touTEs ceux et celles qui s'y
trouvent n'y ont pas aterri par hasard... Ces programmes visent
avant tout à obtenir la collaboration des détenuEs
avec les matons et l'administration pénitentiaire dans
le but de cibler ceux et celles qui ne se laissent pas
abattre. Ils éduquent les prisonnièrEs comme
on éduque véritablement un chien en lui donnant
une friandise à chaque fois que celui-ci fait ce qu'on
lui demande. Cela peut naître d'innocentes petites discussions
conviviales avec les matons ou de remerciements lorsque ceux-ci
vous apportent à manger comme de révélations
(vraies ou fausses) qui vous évitent d'être battuE
ou harceléE et qui permettent aux matons de s'en prendre
à unE autre.
Tous les facteurs pouvant contribuer à la mise en
concurrence des prisonnièrEs sont employés afin
de les pousser à choisir leur camp : celui des informateurs
et collaborateurs ou celui de la force intérieure.
Dans l'espoir d'un peu de tranquillité, de meilleures
conditions, de plus de respect, de moins de harcèlement
voire de quelque privilège, la vaste majorité
d'entre eux/elles ont vite fait de s'identifier aux attentes
des autorités plutôt qu'aux espoirs de la lutte.
Là encore, la dépendance directe sur l'humeur
des matons et l'isolement frappent. Détourner l'attention
des véritables enemis pour la transformer en force de
contre-insurrection, voilà à quoi s'emploient les
régisseurs des programmes appliqués dans les PSM.
C'est ainsi qu'à titre d'exemple, Frank J. Atwood fut
accusé en 1998 de trafic de drogue par son voisin de cellule,
de quoi susciter une haine qu'on aimerait bien voir se manifester
ailleurs. Acte de lâcheté ? Difficile à dire
lorsqu'on a pas été soi-même soumisE à
un tel régime. D'autant plus que les détenuEs
qui composent la population des camps de la mort ne sont pas là
par hasard. Ils/elles sont touTEs des individus ayant rejeté
ou contesté les valeurs du système pénitentiaire,
c'est-à-dire qu'ils et elles ont pris position face
à leur situation de classe, d'oppriméEs et d'excluEs
au sein d'une société basée sur la domination
et l'exploitation des classes entre elles-mêmes, même
si ces gens ne définissent pas leur actes en termes
politiques, et même si ces actes ne sont pas directement
d'une telle nature. Actes qui peuvent aller de la violence
physique à la crise de folie en passant par les menaces
envers d'autres détenuEs ou les matons et qui expriment
la profonde inadéquation entre la réalité
du système pénitentiaire et les fins que celui-ci
prétend accomplir. Ce sont en somme des gens qui se sont
dressés pour eux-mêmes quelle que soit la façon
dont ils/elles l'entreprennent et qui reflète de toute
évidence leurs origines et leur position sociale, qui revendiquent
leur existence par des moyens aussi divers que contradictoires,
et ce jusqu'à l'intérieur-même des centres
d'épuration de la société de classes.
Si l'Anarchist Black Cross ainsi que diverses organisations du
mouvement anti-prison se sont intéressées aux Control
Unit Prisons , c'est avant tout à cause du caractère
purement politique qui les singularise des autres prisons. Si
ces dernières accomplissent un rôle fondamental dans
le maintien de la caste sociale, les Prisons de Sécurité
Maximale constituent une machine répressive d'autant
plus menaçante pour l'avenir des luttes dans la mesure
où elles assurent non seulement ce rôle préliminaire
mais garantissent également la sécurité interne
du système pénitentiaire lui-même. Faire face
à la menace que représente l'émergence de
mouvements de prisonnièrEs et autres agitateurs/trices
au sein des établissements "classiques", instaurer
le calme et la soumission des plus "intenables", les
transformer en informateurs/trices et collaborateurs/trices, en
repentiEs.
Cependant, l'intérêt d'une telle étude est
de voir la similitude existant entre les PSM et ce que sont
les quartiers d'isolement en Europe (et ailleurs) : FIES
en Espagne, Quartiers de Haute Sécurité (QHS) en
France, etc. Même si ceux-ci ne représentent qu'un
département ou une aile spéciale au sein même
des prisons, le but de leur mise en place et les conditions qui
y sont appliquées n'en sont pas moins différentes,
tout comme les catégories de détenuEs qui s'y trouvent
enfermées. Dans ce sens, les États européens
ne sont en aucun cas moins méprisables que leur modèle
américain.
Ce qui diffère en revanche est "l'avance"
que ce dernier a pris en édifiant et institutionnalisant
des forteresses qui ne sont constituées QUE de ces mêmes
quartiers d'isolement. Cela ne nous empêchera tout de même
pas d'omettre certaines exceptions telles que la prison de Stammheim
en Allemagne qui avait été conçue sur un
tel modèle pour y emprisonner certains membres de la Fraction
Armée Rouge (RAF) et faire face plus globalement à
la vague de lutte anti-impérialiste radicale amorcée
par celle-ci. C'est donc une lutte globale contre l'isolement
carcéral qu'il nous faut mener, sans distinction ni classification
des différentes formes que lui donnent les tortionnaires
qui l'orchestrent. Le recueil de textes constituant la troisième
partie de cette brochure a été élaboré
dans le but d'illustrer cette entité de la torture blanche
et l'évolution qu'elle a pu connaître au fil du temps.
Sans la volonté des prisonnièrEs eux/elles-mêmes,
sans leur mobilisation, la lutte contre la prison, et par conséquent
contre la société de classes, n'ont pas de base
et donc pas d'avenir. C'est pourquoi le problème que nous
posons ici au sujet des Prisons de Sécurité Maximale
aux États-Unis est un problème que nous considérons
comme crucial, face auquel notre énergie est plus que
jamais requise et qui nous renvoie en Europe à la lutte
contre les quartiers d'isolement... Osons LUTTER avant que ne
s'érigent ici aussi ces machines à instaurer le
silence, c'est-à-dire la mort. Celle des prisonnièrEs,
celle des luttes, et, inévitablement, la nôtre.
Ronan, pour l'Anarchist Black Cross
"Ce qui compte, c'est ce que tu fais (du combat) : un bond en avant. Faire mieux. Apprendre par l'expérience (...) Chaque nouvelle lutte, chaque action, chaque conflit apportent des enseignements inconnus. Des expériences, voilà le développement des luttes. Est décisif ce qu'on apprend à connaître (...) À partir des victoires, mais encore plus à partir des erreurs, des "flipps" des défaites (...) Combattre, avoir le dessous, encore combattre, avoir à nouveau le dessous, c'est ce qui renouvelle la manière de se battre (...)". Extrait de la dernière lettre d'Holger Meins, membre de la RAF mort en luttant contre les traitements spéciaux après 145 jours de grève de la faim.
À PROPOS DE L'AUTEUR...
Frank John Atwood est un prisonnier
anarchiste Blanc américain. Victime d'une machination
politico-judiciaire, il fût accusé de meurtre en
1984 dans l'Etat d'Arizona et condamné à mort
pour un acte qu'il n'a jamais commis. Frank était un
militant anrchiste actif depuis la fin des années 60 alors
que les Etats-Unis vivaient l'une des plus intenses périodes
de leur histoire politique militante suite à la mobilisation
contre la guerre du Vietnam. Il fût entre autre impliqué
dans l'organisation de manifestations, dans des braquages de
banques ou encore des attaques à la bombe contre la politique
gouvernementale.
Originaire de Los Angeles, il passa un week-end dans l'Arizona
dans une zone où avait eu lieu un meurtre. Ses cheveux
longs et sa longue barbe lui valurent d'être rapidement
signalé aux autorités locales. La police fédérale
et le gouvernement ne trouvant pas le coupable mais sachant
que Frank était dans les parages, et qui plus est, un
ennemi de l'Etat, les autorités firent d'une pierre deux
coups en l'arrêtant, à la grande satisfaction du
public en quête de "justice".
Frank a aujourd'hui 44 ans et croupit dans les couloirs de la
mort depuis bientôt 16 ans. Il n'a jamais renié ses
principes ni ses convictions et est demeuré actif depuis
le début de son incarcération, même si ses
activités se sont inévitablement restreintes au
cours des années du fait de son status de condamné
à mort et de l'isolement, et ce d'autant plus depuis
qu'il a été transféré en PSM
comme touTEs les autres condamnéEs à mort d'Arizona
en Septembre 1997. Il a passé toute sa vie carcérale
en isolement ou en unité de sécurité maximale.
Cet homme se dresse depuis sa cellule car, comme il le dit,
se dresser est tout simplement ce qu'il fait toujours. Il considère
cette démarche comme un devoir. Les gens se font manipuler
par le gouvernement, les riches et les média et face
à tout cela, il essaye d'exposer la vérité,
de partager son expérience plutôt que de subir
le destin auquel il est condamné. Il est également
l'auteur d'un fanzine qui s'appelle "Décidément
Radical" et passe la majeure partie de son temps à
lire et écrire. N'ayant bien entendu pas de camarade en
prison voire plutôt beaucoup d'ennemis, Frank s'est tourné
vers les organisations de soutien aux prisonnièrEs aux
Etats-Unis (dont le réseau ABC) dont il semble apparemment
très déçu. Cependant il n'a pas tout laissé
tomber pour autant et est entré en contact avec le réseau
ABC en Europe ainsi que divers individus. Nous correspondons nous-même
avec lui depuis environ 8 mois et ce nouvel élan de correspondances
a semble-t-il embelli sa vie. Frank s'intéresse énormément
aux différents mouvements de lutte et aimerait beaucoup
tisser de nouveaux liens avec la "jeunesse militante européenne".
Cependant, bien que je ne dises pas cela pour vous décourager
de lui écrire, Frank est victime au même titre
que touTEs les condamnéEs à mort américainEs
de "la Loi pour une Peine de Mort Effective" dûment
votée par les 2 chambres parlementaires et dûment
signé par mister Bill en 1996. Cette loi restreint les
possibilités pour les condamnéEs de faire appel
des décisions judiciaires mais surtout, leur interdit
de déposer une demande de liberté sur parole. Les
quelques possibilités de manoeuvres judiciaires font en
revanche partie de la manipulation et du conditionnement des
détenuEs afin de leur donner de l'espoir et d'acheter
ainsi leur tranquilité, étant donné que
ces recours ne donnent jamais lieu à de quelconques retournements
de situation. Leur éxécution est programmée
et constitue un but en elle-même, quelles que soient les
circonstances et les causes de leur condamnation, voire même
de l'opposition que peut rencontrer une telle volonté
meurtrière comme nous pouvons le constater dans le cas
de Mumia Abu-Jamal.
Frank quant à lui a déjà fait appel plusieurs
fois aux niveaux étatique et fédéral sans
grand résultat. Lui et son avocat tentent de mettre en
avant un certain nombre d'évidences certifiant de son
innocence afin d'obtenir encore un nouveau procès.
Dans le cas où les nouveaux éléments de
preuves avancés seraient une fois de plus rejetés,
le dernier espoir serait d'accéder au plus haut niveau
de la justice pénale américaine, la Cour Suprême
des Etats-Unis. Si celle-ci rejetterait cet ultime appel, (dans
la mesure où elle aurait reconsidéré une
première demande en appel du/de la détenuE
en question, lui permettant alors de relancer le processus judiciaire),
la seule issue possible serait alors de faire une demande de
commutation de peine devant le conseil pénitentiaire
des paroles. Ce conseil traite les demandes pour transformer la
peine capitale en condamnation à perpétuité,
ce qu'il n'a jusqu'ici jamais accordé.
C'est donc à la mort qu'aboutit cette succession de recours
dans la quasi totalité des cas, un meurtre légal
qui sévit en moyenne après 16 ans d'incacération,
16 ans d'efforts, d'humiliation, d'espoir et d'attente. Dans
lequel cas, et ayant tissé des liens politiques aussi bien
qu'affectifs avec Frank, je tiens à le saluer pour sa
force et son travail militant et à lui dédier
ce travail en vous offrant la possibilité de lire l'un
de ses écrits, même si je sais pertinemment que
Frank affronte la mort en dessinant des sourires à
la fin de ses phrases, et dans la plus grande lucidité.
Bonne lecture.*
Pour plus d'infos ou tout simplement
pour lui écrire et le soutenir moralement, écrivez
à :
Frank J. Atwood
ADC #62887
Unit SMU II (3-H-30)
Arizona State Prison Complexe Syman
Box 3400 - Death Row Florence, AZ 85232
U$A
*Note : Ayant rencontré certaines incohérences aussi bien au niveau de la grammaire que du sens et en raison dans certains cas d'un vocabulaire répétitif ou monotone, j'ai modifié ou remplacé certaines tournures et mots, en plus des contraintes qu'implique la traduction de l'anglais au français, tout en m'efforçant d'en préserver le sens initial. N'oublions pas que l'auteur de cet article va entamer sa 17ème année de détention, placé en isolement depuis le tout début, ce qui de toute évidence a eu beaucoup de répercussions à bien des niveaux, même s'il n'a pas été psychiquement détruit jusqu'à aujourd'hui (vous aurez d'ailleurs l'occasion de le voir s'exprimer lui-même à ce sujet dans son article). Ces modifications ont été entreprises dans le but de rendre la lecture de l'article qui suit plus facile et plus compréhensive pour touTEs et n'impliquent en rien une quelconque censure ou restructuration par son fond de ce qui a été initialement écrit par Frank J. Atwood.
CONTROL
UNIT PRISONS
Par Frank J. Atwood, M.A.
Les Prisons de Sécurité
Maximale sont des méga-prisons de sécurité
maximale qui ont été conçues par le
gouvernement et les autorités pénitentiaires
pour contrôler l'esprit des prisonnièrEs, pour déterminer
ce à quoi ils et elles penseront à travers des
tactiques de privation sensorielle soigneusement élaborées,
focalisant l'attention des détenuEs sur des soucis immédiats.
Ces stratégies les rendent mentalement infirmes en
créant une rupture psychologique, physique et spirituelle
dans le but d'imposer leur docilité, assoméEs
par l'humiliation, l'intimidation et la démoralisation.
Au-delà de ce traitement inconcevable imposé
contre eux/elles, le gouvernemen fédéral et
les fonctionnaires de prison tentent mal ingénieusement
de justifier ces conditions de détention exécrables
et affirment que "les pires des pires prisonnièrEs"
méritent une telle brutalité. Cependant,
ce sont toujours le/la prisonnièrE politique, l'assistantE
juridique, les résistantEs au lavage de cerveau gouvernemental
- plutôt que le/la dangereux/se ou violentE déteuE-
qui finit dans les Prison de Sécurité Maximale.
Cas percutant : le 3 Septembre 1997, touTEs les condamnéEs
à mort d'Arizona furent déménagéEs
à la Centrale. Une telle mesure pourrait sembler justifiée
jusqu'à ce que l'on aprenne que les "mort-vivantEs"
d'Arizona affichent le plus faible taux possible de risque
institutionnel; c'est-à-dire qu'ils/elles constituent la
population qui pose le moins de risques à la sécurité
interne de la prison, même en prenant en compte ceux et
celles détenuEs en sécurité minimum.
En plus de faire croire au public que les PSM sont nécessaires
pour gérer les "pires des pires", les autorités
pénitentiaires restent maîtres dans la manipulation
des conditions appliquées au sein de la prison
- un environnement qui produit un contrôle absolu sur
la vie des prisonnièrEs : tâches internes, fichiers,
traitement médical, régime alimentaire, courrier,
promenade, ainsi que bien d'autres activités. Au coeur
de cette atmosphère, les matons réduisent les
détenuEs à un état d'infériorité
établi. Sans la moindre hésitation, il est clair
que le but ultime des PSM demeure d'abattre l'esprit humain. Avant
de détailler les méthodes employées pour
en arriver à cette fin ainsi que de nous intéresser
à la dévastation mentale résultant de telles
méthodes, penchons-nous brièvement sur l'histoire
des Prisons de Sécurité Maximale.
I. HISTOIRE
Le concept d'utilisation de l'isolement et de la privation
sensorielle dans les prisons -principaux outils utilisés
dans les unités modernes- fit sa naissance dans les années
1820 au Pénitentier d'Etat de l'Est à Philadelphie
en Pennsylvanie (également connu comme la prison "Modèle
de Pennsylvanie"). La conviction prévalante à
cette époque était que l'isolement carcéral
menait aux remords, à la réforme et finalement
à la réhabilitation par la privation sensorielle.
Toutefois il devint rapidement évident que de telles
méthodes causaient dépressions mentales et folie
chez les prisonnièrEs.
Peu après l'établissement du "Modèle
de Pennsylvanie" dans les années 1830, Charles
Darwin se vit chargé d'une mission et observa que
"les prisonnièrEs semblaient mortEs à tous
les niveaux mais manifestaient en revanche comme signe de
vie une anxiété tortuante et un désespoir
horrible". Plus tard, dans les années 1840, Charles
Dickens visita en conséquence le Pénitentier
de l'Est et remarqua : "Je considère cette lente
atteinte des mystères du cerveau comme étant
démesurément pires qu'aucune torture physique".
Par ailleurs, la littérature allemande parue entre 1854
et 1909 révèle que les conséquences de
l'isolement carcéral incluaient les hallucinations (visuelle,
auditive, tactile et olfactrice), les dissociations, l'hystérie,
l'agitation physique et mentale, la violence aveugle, les illusions
persécutoires et les psychoses (voir J. Ganser, Arch Psychiatr
Nervenkr, 1898) Enfin, la Cour Suprême des Etats-Unis
décréta en 1890 que la privation sensorielle
et l'isolement carcéral causaient une aliénation
violente et condamna leur pratique. En résumé,
les prisons pratiquant l'isolement furent vivement critiquées
tout au long du XIXème siècle en raison des
diverses maladies causées par celui-ci et qui sévissaient
chez les prisonnièrEs de façon massive, ce
qui donna lieu officiellement à son abolition en 1913.
Mais l'histoire ne s'arrête pas là. En 1962, un professeur
de psychologie de l'Institut de Technologie du Massachusetts
(ITM), Edgar Schein, suggera que des techniques physiques,
chimiques et psychologiques pourraient être utilisées
sur les prisonnièrEs pour altérer délibérément
leur attitude et leur comportement. Schein était un expert
mondialement reconnu en contraintes psychologiques car ayant accompli
des études approfondies sur les techniques de torture
et de lavage de cerveau sur des prisonnièrEs de guerre
pendant la guerre de Korée avec des ChinoisEs et des KoréenNEs
du Nord. Schein proposa lui aussi l'isolement et la privation
sensorielle afin de détruire la sociabilité
parmi les détenuEs ainsi que pour rompre leur liens
avec l'extérieur. Parce que les humains mettent en avant
leur existence et leur personnalité à travers
leurs contacts avec d'autres, l'isolement a un impact significatif
sur leur psychisme. Cette forme de désorientation psychologique,
l'ablation des autres au profit de la validation du personnel,
devint connue sous le nom de "Principe Muttnik" (ainsi
nommé par le psychologue Nathaniel Eraden) et fût
également appelée la "Psychologie de l'invisibilité".
Sur la base des données de Schein, d'autres psychologues
proposèrent d'utiliser des traitements psychotropiques
pour isoler mentalement plutôt que physiquement les prisonnièrEs.
Le psychologue James V. McConnel de l'université
du Michigan suivit de près cette suggestion à
travers un article intitulé "On peut faire subir
le lavage de cerveau aux criminelLEs" (Psychology Today,
Avril 1970). Enfin le psychologue B.F. Skinner fût
l'auteur d'un livre en 1971, "Au-delà de la liberté
et de la dignité" dans lequel il discutait la manipulation
de l'esprit entreprise comme "celle de l'argile".
Sur la même lancée, l'ancien directeur de l'Office
des prisons, James V. Bennet, suggéra que le système
pénitentiaire fédéral était le cadre
parfait pour l'expérimentation humaine des techniques
de lavage de cerveau. Ces propos parvinrent au psychologue
fédéral des prisons, Martin Groder, qui ordonna
le transfert des agitateurs/trices, des suspectEs militantEs,
de ceux/celles faisant du travail légal et autres détenuEs
non-violentEs pour les éloigner de la population carcérale
en les plaçant en isolement. Si les détenuEs devenaient
dociles, des privilèges leur étaient accordéEs,
sinon la torture psychologique continuait. Ces stratégies
reflètent la proposition de Schein d'utiliser la réduction
sensorielle pour obtenir en retour l'ouverture de failles prévisibles
dans le système de défense mentale des prisonnièrEs,
et qui pouvaient être comblées ensuite par la propagande
d'Etat. En fait, Jessica Mitford rédigea un article,
"La guérison par la torture : dans certaines
prisons américaines, c'est déjà 1984 (Harper's,
Août 1973) qui détaillait les résultats
d'une expérince laboratoire élaborée destinée
à tester les effets de la privation sensorielle sur l'esprit
humain :
"La privation sensorielle, en tant que modificateur du comportement,
a été le sujet d'une expérience durant
laquelle les étudiantEs étaient payéEs
20 dollars de l'heure pour rester enferméEs dans de minuscules
cabines d'isolement sans rien à faire. L'expérience
devait durer au moins 6 semaines mais aucunE des étudiantEs
ne put la supporter plus de quelques jours. Beaucoup firent
l'expérience d'hallucinations frappantes...alors que dans
ce cas, on leur inculquaient des messages de propagande. Peu
importe la façon dont ceux-ci étaient présentés,
ou combien illogiques ils sonnaient, le tout était que
la propagande avait un effet marqué sur les attitudes de
touTEs les cobayes - un effet qui dura au moins un an après
qu'ils/elles soient sortiEs de l'expérience".
La première Prison de Sécurité
Maximale ouvrit ses portes à Marion dans l'Illinois en
1972. Marion était un projet expérimental destiné
à développer un programme pour détruire
mentalement les prisonnièrEs. Il fût totalement
fermé en 1983 et demeure tel quel depuis. La moyenne d'enfermement
en cellule y était de 22h30 par jour.
Après l'ouverture de Marion, d'autres états
à travers l'Amérique construisirent des prisons
de sécurité maximale et, au début des années
1980, les PSM spécialisées dans la privation sensorielle
commencèrent à prospérer. Vers 1996, on
comptait 40 PSM renfermant autour de 15 000 détenuEs. Même
le système pénitentiaire fédéral
refit son entrée dans l'arenne lorsqu'il ouvrit une nouvelle
PSM (Administrative Maximum ADX) à Florence dans le Colorado
en Novembre 1994. Les prisonnièrEs à l'ADX bénéficient
de 9 heures de récréation extérieure par
semaine et passent 3 heures, 3 fois par semaine avec unE autre
détenuE. Par ailleurs l'ADX comporte 4 étapes
: 1. détention dans des cellules d'isolement ; 2.
sortie de cellule pour se mêler à quelques autres
prisonnièrEs ; 3. déplacement de la cellule à
la "cour" de promenade non menottéE ; 4.un
boulot et une meilleure alimentation.
Les conditions de la PSM d'Arizona sont bien pires. Il n'y aura
jamais de va-et-viens avec d'autres prisonnièrEs, de déplacement
sans être menottéE, de meilleure bouffe et encore
moins du boulot. La promenade a lieu 3 fois par semaine mais
seulement pendant une heure et seulE. Pour les prisonnièrEs
de l'Arizona's Special Management Unit (SMU), cela revient à
être enferméE 165 heures sur 168 par semaine, soit
98% du temps.
Voilà pour l'histoire de la privation sensorielle dans
les PSM. Nous allons maintenant nous tourner vers les méthodes
auxquelles elles ont recours et les conséquences dévastatrices
qu'elles entraînent.
II. MÉTHODES
Les Prisons de Sécurité Maximale sont une tentative
de lavage de cerveau et s'efforcent d'affaiblir les détenuEs
par l'usage systématique de programmes tels que l'isolement,
les abus physiques, la torture psychologique, la négligence
médicale et d'autres formes sinistres de modification
du comportement. Dans les annales des PSM, nous avons appris que
de nombreuses méthodes actuelles ont été
développées à partir de techniques de lavage
de cerveau elles-même élaborées pendant la
guerre de Korée. Nous y avons trouvé des compte-rendus
confirmant que les méthodes de torture (psychologique)
et de lavage de cerveau, employées auusi bien par la CIA
que le KGB ont été adoptéespour être
appliquées dans les PSM d'Amérique.
Dans la mesure de ces méthodes, l'une des vues d'ensemble
les plus complètes réside dans le Diagramme
de Biderman sur la contrainte pénale (réimprimé
en 1983 par Amnesty International dans le Compte-rendu sur
la Torture). Le diagramme est découpé en 8 sections
dont chacune comporte 1 sous-partie suppléméntaire
à propos du SMU qui détaille les stratégies
utilisées dans la PSM d'Arizona.
Section I : Isolement
But : priver les détenuEs de soutien social aussi
bien par le biais d'autres détenuEs que celui du monde
extérieur, entraver leur abilité à tenir
le coup, développer une inquiétude intense à
propos de soi-même et créer une dépendance
sur ceux qui ont le pouvoir sur leur existence.
Variantes : isolement solitaire ou en groupe et isolement partiel.
SMU : l'isolement en groupe est le résultat d'une
punition collective.
UnE détenuE commet un acte et touTEs les autres sont
puniEs. Des règles concernant touTEs peuvent également
être modifiées. Leur rupture avec les sources
extérieures s'opère par contrôle du courrier
(censure, livraison retardée, retour arbitraire à
l'envoyeur/euse, "perte"), par la mise sur écoute
et l'enregistrement des 5 minutes de télécommunication
hebdomadaires, par la séparation physique des détenuEs
et de leurs visiteurs/euses grâce à une vitre en
plexiglas (les 2 interlocuteurs doivent se tenir debout pendant
chaque visite -2 heures hebdomadaires- afin de pouvoir
s'entendre grossièrement) et par la menace et l'accablement
de ces dernièrEs de façon routinière (ce
qui ne les encourage pas à revenir voir les prisonnièrEs).
Enfin, l'isolement des autres prisonnièrEs se traduit
par l'enfermement en cellule 23h30 sur 24 en moyenne, par
l'interdiction de toucher ou d'être touchéE par
une autre personne (à moins d'être passéE
à tabac par les matons), par l'absence d'accès
aux services (éducation, religion, vocation) et par le
désoeuvrement forcé.
Section II : Monopolisation de la
perception
But : fixer l'attention des détenuEs sur leurs préoccupations
immédiates, éliminer tout stimuli concurrençant
ceux contrôlés par les ravisseurs et faire obstacle
à tout ce qui n'entre pas dans la logique de la soumission.
Variantes : isolement, lumière étincellante,
environnement stérile, mouvements restreints, alimentation
monotone.
SMU : pour l'isolement, similaire à la section précédante.
Un éclairage vif demeure allumé 17h30 par jour,
ce qui produit un environnement clair (même la nuit,
une "faible" lumière reste en marche). Nourriture
fade,
absence de desserts sucrés, petites portions et déjeuners
emballés toute la semaine constituent une alimentation
monotone. Les prisonnièrEs sont systématiquement
menottéEs dans le dos et escortéEs par un gardien
à chaque sortie de cellule. Enfin, la pièce maîtresse
des PSM en matière de privation sensorielle reste la mise
en place d'un environnement stérile : murs laissés
blancs, absence de vie végétale ou animale, privation
d'air frais, de soleil, de ciel, de fenêtre ou d'une quelconque
occupation. Les méthodes débattues précédemment
-isolement, désoeuvrement forcé, interdiction
d'accès aux services- contribuent à l'élaboration
d'un environnement stérile.
Section III : fatigue et affaiblissement
provoqués
But : affaiblir les capacités mentales aussi bien
que physiques à résister.
Variantes : semi-inanition, provocation de maladies,
exploration de blessures pré-existantes, privation de
sommeil et contrainte prolongée.
SMU : au-delà des méthodes basées sur
une alimentation pauvre, la semi-inanition est provoquée
à partir de restrictions sévères sur les
commissions d'achat (seuls la restauration rapide et les desserts
sont disponibles, pas de nourriture saine proposée),
de l'impossibilité d'obtenir une nutrition adéquate
avec les repas servis par la prison et d'une vie extrêmement
sédentaire. La défaillance quant à la provision
de vêtements chauds lors des exercices extérieurs
en hiver ainsi que lorsqu'il gèle à l'intérieur,
le refus de traiter les maladies ou de fournir le traitement
prescrit, ainsi que d'autres négligences médicales
sont tous des facteurs de la fatigue physique et mentale. Les
gardiens sont la cause majeure de privation de sommeil en raison
du bruit volontaire et excessif qu'ils produisent toute
la nuit (montant et descendant d'un pas lourd, ouvrant et fermant
au hasard les sas d'entrée-sortie, hurlant, riant aux
éclats et faisant beugler les talkie-walkies) et lorsqu'ils
réveillent arbitrairement les prisonnièrEs au
beau milieu de la nuit sous des motifs tels que des problème
avec le courrier sortant, ou bien pour manque d'exhibition
physique (complètement sous les
couvertures) ou encore pour excès (dormant nuE), et
ainsi de suite. La contrainte prolongée implique,
au fil des années, d'être escortéE partout,
prisE-à-parti ou attachéE, ou encore d'être
placéE au mitard.
Section IV : menaces
But : cultiver l'anxiété et le désespoir.
Variantes : menacer de mort ou de blessure et accorder des
récompenses en échange d'une conformité partielle.
SMU : menacer de mort ou de blessure peut se produire verbalement
et en fait, se produit souvent physiquement. Trop souvent,
les prisonnièrEs sont gazéEs, changéEs
de cellule par la force, battuEs pour se retrouver ensuite attachéEs
pendant des heures, même des jours. S'ajoute à cela
la violence, aussi bien entre détenuEs qu'envers
les gardiens, constamment provoquée volontairement par
la divulgation de faits et actes personnels, par le déclenchement
de rumeurs ou par le placement arbitraire et occasionnel des
détenuEs à proximité d'ennemiEs connuEs.
On est bien entendu soumis également aux fouilles à
nu et aux fouilles de cellule, aux analyses d'urine et d'autres
formes de harcèlement. Le recours à ces méthodes
contre des prisonnièrEs préservant encore un lambeau
de personnalité constitue une force de persuasion efficace
pour obliger les autres à rester tranquilles. Par ailleurs,
pour ouvertement démontrer de son pouvoir à recourrir
à un tel harcèlement si nécessaire,
dans le but de s'assurer la soumission des détenuEs,
le personnel diffuse des messages...du bourrage de crâne.
Cette utilisation arbitraire du pouvoir est une arme-clef.
Section V : indulgence occasionnelle
But : motiver la subornation et retarder l'adaptation.
Variantes : faveurs occasionnelles et altération des
comportements.
SMU : motiver la subornation par des faveurs comprenant la
suspension de certaines règles de façon intermittente,
en fonction de la coopération dont fait preuve le ou
la détenuE. Cela peut se traduire par une déposition
épargnant au/à la prisonnièrE d'être
fouillé à nuE ou réclamant des fouilles
superficielles dans sa cellule, ou encore le consentement pour
des moments de promenade préférés ou plus
longs. Cela peut aussi se traduire par l'arrêt du harcèlement
verbal et donner lieu à une certaine complicité
par le biai de quelque discussion conviviale avec les matons.
Bien entendu, ce contrôle unilatéral du sort
du ou de la détenuE lui impose un environnement instable
et l'empêche absolument de savoir à quoi s'attendre.
Toute adaptation, tout
bilan des expériences vécues deviennent alors impossibles.
Section VI : Faire preuve de l'omnipotence
But : démontrer la futilité de toute résistance.
Variantes : confrontation et affichage du contrôle absolu.
SMU : démontrer sans fin qui a le pouvoir implique
des gazages, des passages à tabac, et des enfermement
au mitard. D'autres manifestations du pouvoir touchent au
non respect des règles, en émettant des accusations
disciplinaires complètement fausses ou inventées
de toute pièce, mais aussi à l'usage de la video-surveillance
permanente, et surtout, à l'impossibilité d'élaborer
une quelconque stratégie de sortie. Pour la plupart des
détenuEs, la seule façon de sortir des conditions
de sécurité maximale est de lécher des
pompes, de se lancer dans les procédures de libération
conditionnelle sans fin, ou bien de mourir. C'est très
clair, pour les condamnéEs à mort, la seule issue,
c'est la mort (en moyenne après 16 ans).
Section VII : Dégradation
But : montrer que le prix de la résistance est bien
plus endommageant pour sa propre estime que la capitulation et
réduire les prisonnier-e-s à des inquiétudes
d'un niveau animal.
Variantes : empêcher l'hygiène personnelle,
promouvoir un environnement dégoutant, invoquer des punitions
rabaissantes.
SMU : l'empêchement de l'hygiène personnelle
s'opère en restreignant le nombre d'articles vestimentaires
disponibles chez l'intendant ainsi qu'enlever le savon,
le shampoing, et d'autres articles de la liste des
produits en stock. Forcer les prisonnièrEs à
garder des poubelles pourissantes dans leur cellule et autoriser
le ménage une fois par semaine au mieux. Ne pas fournir
de tels outils essentiels, comme du détergeant, créer
un environnement sale. Les gardiens, avocats et même
les visiteur/euses passent souvent dans les cellules même
quand on utilise les toilettes - il n'y a pas d'intimité.
Les insultes et moqueries constituent ou font partie intégrante
du harcèlement verbal. Comme pour les punitions dégradantes,
cela
implique beaucoup des tactiques susmentionnées telles
que se faire attacher nuE, se faire sortir de cellule par la
force, les fouilles physiques et de cellule, être escortéE
en se faisant tenir par des gardes portant des gilets
pare-balles et des lunettes de protection, être sujet
à des rapports disciplinaires montés de toute
pièce et les pénalités qui en découlent,
et ainsi de suite.
Section VIII : faire appliquer des
exigences banales.
But : développer l'habitude de la transigeance.
SMU : parmi les stratégies principales figurent
les accusations disciplinaires montées de toute pièce
auxquelles s'ajoutent l'application de règles violant
des politiques intérieures établies. Les fouilles
de cellule
servent également à saisir des biens personnels
autorisés. Il faut noter que pendant ces fouilles, les
prisonnièrEs sont menottéEs dans la douche, pendant
qu'une équipe de matons retourne tout, abandonnant les
affaires par terre en désordre ou endommagées.
Ce sont plutôt des destructions de cellule que des fouilles.
III. RÉSULTATS
Après ce bilan des méthodes employées
dans les PSM pour laver du cerveau les détenuEs dans le
but d'imposer prétendument leur subornation, intéressons-nous
aux résultats actuels de la privation sensorielle.
La dévastation causée par la détention
en Prison de Sécurité Maximale est horrifiante
!! L'un des experts les plus en vue sur les résultats
de l'isolement carcéral -le docteur Stuart Grassian, membre
du corps enseignant à l'école médicale
d'Harvard- fût l'auteur d'un article en 1983 (Les effets
psychopathologiques de l'isolement carcéral) dans lequel
il établit un lien entre les soldats prisonniers de guerre
en Korée et les prisonnièrEs dans les PSM américaines,
ainsi que les effets dévastateurs entraînés
par la privation sensorielle expérimentée. En général,
le Docteur Grassian les décrivait comme causant l'agitation,
des états de confusion incohérents, des hallucinations,
la régression mentale, la dissociation, et un état
hypnotique menant les
détenuEs au renfermement, à hurler et se cogner
la tête contre les murs.
En contre-partie de ses recherches, le docteur Grassian
étudia 14 prisonnier-e-s ayant passé en moyenne
2 mois en isolement carcéral à la prison de
Walpole, Massachusets. Lorsqu'il fit le compte-rendu des résultats
de cette étude particulière, il mit l'accent
sur les efforts intenses accomplis par chacunE pour minimiser
les effets de l'isolement. Cependant, après une étude
assidue, il trouva que les symptômes suivants étaient
résultats communs : coupures et auto-mutilation, peur et
aliénation mentale, hypersensibilité aux stimulis
externes (éclairage devenant incomfortable, odeurs
paraissant très fortes, bruits causant une forte
irritation), distortion de la perception et illusions,
hallucinations, pertes de conscience, irréalisme, anxiété
massive et indécise (menant à la panique, la peur
et des difficultés à respirer), états de
confusion pénétrants, amnésie partielle,
problèmes de concentration et de mémoire,
dissociation, désorientation, fantaisie de revanche
agressive (torture et mutilation des matons), peurs persécutrices,
suspicion, paranoïa, violence et manque de contrôle
des impulsions.
En tant qu'expert-témoin du procès civil Madrid
v. Gomez au milieu des années 1990, le docteur Grassian
mena une autre étude impliquant des prisonnièrEs
en isolement. Cette étude portait sur 50 détenuEs
de la Prison de Haute Sécurité de Pelican Bay
en Californie. En conclusion de son travail, le docteur Grassian
se rendit compte que 40 des 50 détenuEs (80%) avaient
soit exacerbé massivement une maladie psychiatrique,
soit développé des symptômes psychiatriques
associés à une stimulation environnementale réduite
(SER) comme conséquence de l'isolement. SER est une
maladie psychiatrique caractérisée par une distortion
de la perception, des hallucinations, une hypersensibilité
aux stimulis externes, fantasmes agressifs, paranoïa,
incapacité à se concentrer et faible contrôle
de l'impulsion.
Dans la mesure des résultats
sur l'isolement carcéral, un rapport du Journal Américain
de Psychiatrie a confirmé que la privation sensorielle
mène à des hallucinations, à des crises
d'anxiété, à des problèmes liés
au contrôle de l'impulsion, et à l'auto-mutilation.
De plus, en conséquence de son expérience personnelle
de la privation sensorielle dans les PSM, l'auteur de cet article
a aussi fait l'expérience de la dépression, d'une
sorte de mégalomanie, de maux de tête, et d'un
comportement anti-social. En dernier lieu, en considération
des effets de l'isolement, les ouvrages actuels (Dr Grassian
et. al.) rapportent que la privation sensorielle
altère véritablement l'équilibre chimique
du cerveau, ce qui cause inévitablement des changements
significatifs de la personnalité.
Par conséquent, en retraçant l'expérience
personnelle de cet auteur, les études du docteur Grassian
et les rapports du Journal Américain de Psychiatrie,
nous voyons que rien n'a changé depuis que l'isolement
carcéral fût connu pour causer des maladies et
l'aliénation mentales dans les années 1800. Les
études et rapports actuels sont quasiment identiques
à ceux de l'Allemagne entre 1854 et 1909 (rappelez-vous,
la littérature allemande faisait état de
psychoses, d'hystérie, d'hallucinations, d'agitation,
d'activation motrice, de dissociation, de violence aveugle,
et d'illusions comme conséquences de l'isolement).
IV. CONCLUSION
Cet article a clairement démontré que les
conditions des Prisons de Sécurité Maximale
causent une rupture mentale chez les prisonnièrEs. En
et d'elles-même, ces conséquences dévastatrices
sont le plus tragiques. Cependant, ce qu'il y a d'encore
plus terrible demeure le fait que le gouvernement est pleinement
en connaissance de la destruction qu'elles causent aux
être humains. Au milieu des années 1990, le docteur
Grassian divulga les résultats de son étude toute
entière, y compris celle réalisée
avec les 50 détenuEs de la PHS de Pelican Bay, aussi bien
au niveau fédéral qu'étatique. Toutefois,
plutôt que de mener une action correctrice, et de saisir
immédiatement la commission pénitentiaire
à propos de telles atrocités, le gouvernement
fédéral promulga le Prison Litigation Reform Act
(Loi pour la Réforme du Litige Pénitentiaire, PLRA)
en 1996. Le PLRA empêche les prisonnièrEs d'intenter
un procès, de manière effective, pour "dommages
émotionnels et mentaux" à moins d'être
en mesure de prouver qu'ils/elles
aient subi un dommages physique. Il est clair que le gouvernement
a promulgué le PLRA pour spécifiquement écarter
les poursuites et ainsi épargner le gouvernement et
les prisons de toute responsabilité. Cela n'est que
le résultat direct de sa connaissance absolue et de
son intention même de pratiquer la torture psychologique
dans les Prisons de Sécurité Maximale, mais surtout,
d'entraîner leur conséquences dévastatrices.
Dieu aides-nous touTEs.
Frank J. Atwood, prisonnier anarchiste américain condamné à mort
RECUEIL
Commentaires sur les Prisons et
Quartiers de Sécurité Maximale, l'isolement carcéral,
la torture psychologique et la privation sensorielle
"Les prisonnièrEs sont réduitEs à
un monde de béton dans lequel ils et elles ne voient
jamais un seul brin d'herbe, la terre, des arbres ou un quelconque
élément appartenant au monde naturel (...) Il
ya des plaintes
contre le fait que ceux/celles qui se comportent mal alors qu'ils/elles
se trouvent déjà en PSM soient placéEs
dans des cellules de dépouille où la température
peut être réglée à près de
50°C avec seulement un caleçon à porter et
sans lit quelconque pour dormir. Ils/elles peuvent être
également attachéEs en croix et nuEs sur des lits
en béton (...)
Au pénitentier d'Etat
du Colorado, les détenuEs entrent en Niveau I et on attend
d'elles/eux de passer en Niveau II puis III : en Niveau I, ils/elles
n'ont pas de privilège. Ceux et celles en Niveau II ont
la télévision, mais
les programmes sont déterminés par la station
propre de la prison. Les détenuEs en Niveaux I et
II doivent être menottéEs mains et jambes avec une
chaîne les reliant à une ceinture ventrale et doivent
être escortéEs par au moins 2 gardes à
chaque fois qu'ils/elles quittent leur cellule. En Niveau III,
"les prisonnièrEs sont autoriséEs à
marcher les 50 pieds menant à la douche ou à
la salle de promenade ou au téléphone sans
escorte. Les prisonniérEs en différents niveaux
sont mélangéEs dans chaque unité, de sorte
à ce que les privilèges de ceux/celles en Niveau
III soient visibles à touTEs" (...)
Dans le pénitentier fédéral à
Marion dans l'Illinois, les fonctionnaires affirment que moins
de 9% des détenuEs sont directement entréEs en
unité de haute sécurité parce qu'ils/elles
étaient impliquéEs dans des crimes organisés,
des activités "terroristes", le traffic de drogue
ou autres crimes similaires et pour lesquelLEs on croit avoir
besoin de sécurité spéciale. On détermine
que les 91% restantEs ont été fortement menaçantEs
ou soient enclin à l'evasion : 25% fûrent impliquéEs
dans des meurtres ou tentatives de
meurtre en prison, 48% dans des évasions ou tentatives
d'évasion et que plus de 70% ont des antécédants
de comportement violent alors qu'ils/elles se trouvaient en prison
(...)
Selon une enquête sur les prisonnièrEs, les gardiens
de prisons ainsi que les familles et visiteurs/ses des détenuEs
dans 41 états, les comportements dominants qui avaient
pour résultat de sévères mesures disciplinaires
étaient des prisonnièrEs verbalement hostiles envers
les gardienNEs ou refusant de suivre les ordres." Alice
Lynd
"Dans le New Jersey,
l'usage par les prisonnièrEs de symboles Afrocentriques,
de mots Swahili et cartes d'Afrique rouges ou vertes sont
touTEs considéréEs comme des "paramilitaires"
par les bureaucrates de l'administration. L'engagement de
poursuites déposées en 1992 accuse la prison
d'Etat du New Jersey de violer le Quatorzième Amendement
-garantie d'une protection égale- à cause
d'une pratique régulière plaçant les
Africains Américains qui mettent en avant des opinions
Afrocentriques dans un
lotissement isolé appelé le Management Control
Unit (MCU). Le quartier MCU de la prison d'Etat du New Jersey
détient 75 prisonnièrEs considéréEs
comme une "menace pour la sécurité institutionnelle"
(...) La MCU est réservée pour ceux et celles
qui pourraient représenter une menace. Et ceux/celles
identifiéEs pour cette amorphe catégorie sont
accamblement Afro-américain (95%) dans une prison où
leur effectif global est de 64%. AucunE n'a été
accuséE d'avoir pris par dans un acte quelconque de violence
ou d'avoir violé une règle intérieure."
Rapport de prisonnièrEs aux organisations des Droits de
l'Homme (1).
"Le quartier "psychiatrique" c'est de la merde. A Össendorf, comme partout, leur stratégie vise à anéantir, avec la participation des psychiatres, avec des méthodes conçues par des psychiatres et prônées par le conseil de sécurité de l'Etat. Comme toute science impérialiste, la psychiatrie est un moyen, non une fin." Lettre d'Ulrike Meinhof, membre de la RAF, à Anna Krabbe, 23 Mars 1976.
"Je ne suis pas enfermée
ici dans cette pièce par moi-même...Je n'ai attaqué
personne. J'ai été délibérément
emmenée dans une cellule d'isolement pour avoir hurlé
et j'ai fait une crise et frappé un agent dans l'aine.
Il m'avait marché sur les pieds. Je stoppai ma crise
attachée à un lit. Même l'assistant social
témoigna pour moi à mon interrogatoire de classification
en disant que je n'avais pas besoin de Sécurité
Maximale. Cet endroit ne vous enlève pas seulement votre
liberté mais il vous prend également votre être-
même. Votre personnalité est condamnée à
changer du fait de conditions telles que la solitude, la frustration
et la dépression. Vous savez que vous avez le potentiel
pour vous en remettre mais on ne vous y autorise pas." Déclaration
de l'une des 14 prisonnièrEs de la Prison de Sécurité
Maximale du Colorado (1).
"Le pouvoir a enfermé les différences intérieures de l'être humain dans une réalité imposée et monolithique qui permet à l'Etat de contrôler, gérer et détruire la société entière dans une sorte de schizophrénie collective qui nous éloigne toujours un peu plus de l'essentiel." Un rebelle dans les FIES, quartiers d'isolement espagnols.
"Tous les aspects de la vie en Sécurité Maximale ont pour sens de dévaloriser et de dégrader l'âme-même du/de la prisonnièrE, le but étant que une fois "libéréE" dans la population générale ou les conditions sont quelque peu meilleures, le/la détenuE ne cause pas/plus de problème...par peur d'être renvoyéE en Sécurité Maximale". John Perotti, après avoir passé 10 ans en Sécurité Maximale (1).
"J'ai passé 2 mois dans la cellule d'isolement qui est une pièce noire de 90cm x 90cm; puis j'ai passé 7 as dans la division de discipline où il n'y a aucune lumière". Ali Haidar, ancien détenu (libanais) de la prison de Khiam récemment fermée suite au retrait des troupes israèliennes du Liban Sud.
"A la maison d'arrêt
de Nanterre, le "frigidaire" a failli faire une victime.
Un jeune détenu, S.M., a été retrouvé
par une infirmière dans le coma et froid. Donné
pour mort, il était en état d'hypothermie avancé
(...)
Toujours est-il qu'ils sont placés au mitard ou
plus exactement au "frigidaire", nus et le carreau
de la fenêtre cassé. Il fait -1°C cette nuit-là.
Ils n'ont pas de couvertures mais "les cellules sont chauffées
par le
sol" dit l'administration". (5)
"Ce quartier est situé dans l'une des ailes du bâtiment "psychiatrie pour femmes" de la prison, séparée du corps de bâtiment et spécialement aménagée pour être isolée accoustiquement (...) Les cellules situées au-dessus et à côté (de celles des prisonnières) sont restées inoccupées le temps de leur détention; ainsi aucun bruit ne pouvait leur parvenir. Les murs et l'ameublement de la cellule étaient entièrement blancs et la lumière du jour ne pénétrait (à l'intérieur) que part une étroite fente recouverte d'un très fin grillage. Les prisonnières de l'aile spéciale de Cologne-Össendorf vivaient 24 heures sur 24 sans milieu ambiant discernable" (4).
"Les gens viennent là-dedans
avec peu de problèmes et repartiront sociopathes.
L'isolement rend les gens cinglantEs, coléreux/ses
et les dissocie de la réalité. Ils/elles deviennent
des gens moins bons (...)
Observez n'importe quel animal en cage et vous verrez ce qui
se passe en Sécurité Maximale. J'ai vu des gens
au bout du rouleau, hurlant sans fin ou pleurant, des gens
devenir très déprimés, anti-sociaux et voulant
prendre revenche sur la société pour l'avoir
construite (...) C'est comme s'ils voulaient faire de moi
un tueur. Je ne sais pas. C'est difficile à expliquer mais
je commence vraiment à haïr les gens." Déclaration
d'un prisonnier en Sécurité Maximale à la
prison d'Etat du Colorado (1).
"On est déclassé
lorsqu'on travaille et on est puni de 30 jours sans travail
lorsqu'on revient du mitard. Alors celui qui ne reçoit
pas d'aide extérieure a des problèmes de cantine
pour les cigarettes, le café, les
papiers, les timbres,etc...Et celui qui travaille pour payer
son avocat ? C'est ça le mitard". Témoignage
d'un détenu français.
"Les FIES, conçus par le ministre de l'intérieur de l'époque Antonio Asuncion, furent élaborés et initiés dans le but de détruire l'ssociation APRE et les prisonnièrEs considéréEs comme les plus conflictuelLEs ou les récidivistes en évasion". Xosé Tarrio, prisonnier en lutte contre les FIES, quartiers d'isolement en Espagne.
"Les femmes ne représentent généralement pas un risque pour les autres; cependant beaucoup présentent un risque pour elles-même. Des recherches suggèrent qu'un tel environnement punitif exacerbe et pourraient contribuer à la violence des femmes dirigée contre elles-même". Psychologue américain, référant aux femmes détenues dans les prisons fédérales canadiennes (1).
"Le mitard, une véritable
machine à broyer les détenuEs à l'intérieur
de la prison. On est enferméE dans une cellule à
l'intérieur de laquelle il y a une cage en grille,
sans lit, sans matelas, sans lavabo, sans fenêtre.Une
véritable cage pour fauve au sous-sol ou au rez-de-chaussée
des prisons. On est soumisE toute la journée à
l'obscurité, le soir on vous jette un matelas en mousse
avec une couverture, le matin, au petit jour, on l'enlève.
De 7h à 18h30, le/la détenuE tourne en rond dans
sa cage. Seul dans sa solitude, il y a deux trous à la
base du plafond, de la dimension d'une brique chacun pour aérer
la cage. En hiver, le froid est insupportable, si bien qu'on
en a mal dans les os". Témoignage d'un détenu
français.
"Plus ils mènent
la merde de manière libérale -délicate,
discrète, gentille, légère, sournoise,
c'est-à-dire plus psychologique- plus la destruction
de la personnalité des prisonnièrEs est complète.
La bête noire
des psycho-flics, ce sont les prisonnièrEs politiques.
Car s'ils veulent agir, ils doivent empêcher les prisonnièrEs
de découvrir qui se cache derrière les apparences
de docteurs, de psys ou de travailleurs sociaux. De toute façon,
les "politiques" (le) découvrent et c'est pourquoi
manipuler et conditionner ces prisonnièrEs devient nécessaire
pour faire obstacle à la menace qu'ils/elles représentent
pour les porcs. Aujourd'hui, nous sommes isoléEs, demain
ça sera le camp de concentration. Réforme :
Tréblinka;
réforme : Buchenwald." Communiqué de 80 prisonnièrEs
allemandEs en grève de la faim, Mai 1973 (3).
"Une prison érigée pour les détenuEs particulièrement violentEs ou problématiques finira inévitablement avec un nombre disproportionné de malades mentaux/ales (...) De plus, pour certainEs détenuEs, la sévérité des conditions à la SHU (Unité de Détention de Sécurité) exacerbe des maladies mentales pré-existantes ou résulte dans le développement de symptômes psychiatriques n'ayant pas été observés antérieurement ". Court fédérale de Californie (1).
"Les autorités pénitentiaires ont une quasi-confidentialité pour assigner n'importe quel détenuE en Sécurité Maximale sur la plus infime suspicion, sans passer par aucune procédure légale (...) ou une quelconque revue judiciaire". Communiqué du NAACP à (l'ancien) secrétaire d'Etat américain Warren Christopher (1).
"Vivre 24 heures sur 24, mois après mois, année après année, dans des conditions qui soumettent l'individu à une tension insupportable, fouilles humiliantes, insultes, provocations continues, maltraitement physique et psychologiques, tabassages et tortures, signifient pousser les gens au suicide. Il est connu que la majorité des détenuEs souffrent de désordres psychosomatiques, angoisses, phobies, tachicardie, impuissance". Communiqué des prisonnièrEs en lutte contre les FIES, quartiers d'isolement en Espagne.
"Le sentiment que ta tête explose, le sentiment qu'en fait la boîte cranienne va se casser, exploser. Le sentiment que le cerveau se ratatine comme un pruneau. Le sentiment que tu es sans cesse sous tension, que cela se voit et que tu es téléguidéE (...) Le sentiment que la cellule bouge - tu te réveilles, tu ouvres les yeux - la cellule bouge, l'après-midi, quand le soleil brille, elle s'arrête tout d'un coup. Tu ne peux pas te débarrasser de ce sentiment que tu bouges. Tu ne peux pas savoir pourquoi tu trembles : de fièvre ou de froid. Tu ne peux pas savoir pourquoi tu trembles, tu gèles. Pour parler à voix normale, il faut faire des efforts comme pour parler très fort, il faut presque gueuler. Le sentiment de devenir muet. Tu ne peux plus identifier le sens des mots - tu ne peux plus que deviner - l'usage des sifflantes : s, ss, tz, sch, est absolument insupportable. On ne peut plus contrôler la syntaxe, la grammaire. Quand tu écris deux lignes, tu ne peux pas te rappeler le début de la première (...) Une agressivité démente pour laquelle il n'y a pas de soupape. C'est le plus grave, la conscience claire qu'on n'a aucune chance de survivre, l'échec total, pour faire passer cela, le faire comprendre aux autres". Lettre d'Ulrike Meinhof à son avocat (3) & (4).
"Nous voulons qu'ils/elles détestent cet endroit". Directeur de l'information publique du pénitentier d'Etat du Colorado, aux visiteurs/euses des prisonnièrEs (1).
"Les porcs gèrent les prisons assez bien, plus il ya de réformes, plus ils contrôlent et dirigent la Justice (...) Pour les lavages de cerveau : psychiatrie / docteurs-flics / valium et violence sournoise. Un mot résume l'humanisme des porcs : hygiène". Déclaration des prisonnièrEs de la RAF (3).
"Les gens ont besoin d'autres êtres humains en tant qu'indicateur de la réalité. La plupart des gens veulent savoir quelles réactions les autres gens peuvent avoir à l'égard de ce qu'ils/elles pensent et ressentent". Dr Craig Haney, psychologue expert dans les effets psychologiques des Prisons de Sécurité Maximale (1).
"À Ensisheim, j'ai
été son seul contact avec l'extérieur,
jusqu'à ce qu'il refuse de me voir, il y a trois ans,
étant donné sa psychose. Mon rôle était
plus social que juridique et je me sentais complètement
impuissant
(...) Ces derniers temps, il entendait des voix, leur parlait
: il commençait à douter de son identité,
croire qu'il était une autre personne et donc qu'il n'avait
rien à faire en prison. Sa maladie, déclenchée
par le règlement rigoureux de la prison, ne peut
trouver une amélioration. L'Etat doit reconnaître
(...) que son état est incompatible avec son incarcération.
C'est comme une peine dans la peine. Le seul traitement humain
qui s'impose est sa libération immédiate".
Déclaration de Martin Heiming, avocat de Georges Cipriani
(membre d'Action Directe) lors de la campagne pour sa libération
immédiate et l'amélioration des conditions de détention
des autres membres de l'organisation en Janvier et Février
2000.
"On tournait tous les
deux en cour de promenade. Je ne m'en suis pas aperçu
tout de suite. Il barjotait doucement mais c'était pas
évident. Il avait surtout des crises la nuit. Je sentais
qu'il ne dormait pas (...)
C'était l'époque où l'on faisait une grève
de la faim tournante (...) Au bout d'un moment il a craqué
totalement (...) Il mettait le drapeau à 6 heures du matin
(pour appeler le surveillant), c'est-à-dire la lumière
devant la porte;
dans la nuit, il avait préparé son paquetage,
il disait : "On m'attend au greffe", ou il passait
toute la nuit à nettoyer sa cellule (...) Fin 1993-début
1994, il pétait les plombs complètement. C'était
très humiliant. Parce
qu'en plus, il y avait des surveillants qui se foutaient de sa
gueule, qui le relançaient quand il était seul
en cellule, qui rigolaient de lui (...) Il criait la nuit...une
phase de délire intense. Il faisait des listes tout le
temps, même à la douche, il avait un carnet avec
des listes de mecs, il faisait des ratures, il rajoutait, il
écrivait. Moi je le voyais, mais même à moi
il ne me faisait pratiquement plus confiance. Il délirait
en disant : "Cette nuit on est passé en commission
de ci ou ça...", vraiment du délire total".
Extraits d'un témoignage de Jean-Marc Rouillan à
propos de son camarade Georges Cipriani, membre d'Action Directe.
"La privation sensorielle
consiste en effet à réduire et si possible à
annuler toute différence de perception (jour/nuit, silence/bruit...);
aucun changement acoustique ou visuel ne doit parvenir au
sujet placé dans un
milieu artificiel approprié. Les organes des sens alors
privés de toute stimulation subissent une atrophie comparable
à l'atrophie des muscles à la suite d'une immobilisation
forcée et prolongée.
Les premières expériences concernant la privation
sensorielle ont été réalisées au
cours des années 1950 et 60 aux Etats-Unis dans le cadre
des programmes dela CIA appelés "Blue Bird",
"M.K. Ultra" et "Milk Delta" rendus publics
en 1977 sous l'Administration Carter" (4).
"Ici, dans des compartiments comparables à ceux d'un mortuaire que sont les centres pénitentiers de Pennsylvannie, "la vie" condamne littéralement à l'emprisonnement pour la durée naturelle de la vie sans aucun espoir de libération conditionnelle. "La vie" est alors une triste métaphore de la mort, car seule la mort peut libérer des chaînes. "La vie", pourrions-nous dire, n'est alors qu'une mort lente." Mumia Abu-Jamal, journaliste prisonnier politique Noir américain membre du Parti des Blacks Panthers (2).
"Les relations agents-prisonnièrEs ont été modifiées pour ressembler à des relations patients-infirmiers/ères." Chef-évaluateur du BSU (Unité Spéciale de Barlinnie) en Ecosse.
"Le prisonnier politique
qui comprend politiquement sa situation, qui agit et est traité
en conséquence, qui reconnaît à travers l'inhumanité
de sa situation, l'inhumanité du système, qui ressent
de la haine et de la révolte, qui agit avec solidarité
et exige la solidarité, celui-là est isolé
= tué socialement.
En face de lui, la justice du système a toujours ignoré
les Droits de l'Homme et la Constitution parce qu'il ne peut
pas être manipulé et s'il n'est pas abattu, il est
toujours un problème. Resocialisation = manipulation
+ dressage.
Ceux qui ont été sélectionnés pour
ça sont condamnés à vivre entre des murs,
des gardiens, des règles, des promesses, des menaces,
des espoir, des peurs, des privations aussi longtemps qu'il
sera nécessaire pour eux d'accepter la merde et
d'agir uniquement depuis le dernier échelon de l'échelle
: ça c'est le dressage.
La collaboration du prisonnier est espérée bien
sûr et fait partie du processus qui raccourssit et rend
irréversible. Parce qu'il y a une chose que le prisonnier
perd complètement à travers ce processus : le respect
de lui-même : ça c'est la manipulation." Déclaration
de la RAF pendant la grève de la faim débutée
en Mai 1973 (3).
"Donc, compagnons otages,
souvenez-vous, la prochaine fois que vous serez
fouillés, insultés, humiliés, menacés,
attaqués, déportés à travers le
pays
dans une petite boîte en acier, obligés d'uriner
dans une tasse en plastique,
obligés de vous nourrir dans des toilettes, ou enfermés
dans une cellule
23h30 sur 24, vous serez traités avec "humanité".
Mark Barnsley, condamné à
+12 ans suite à une machination politico-judiciaire.
(1) tiré de l'article compilé
par Alice Lynd.
(2) tiré de son livre "La mort en fleurs ".
(3) tiré du livre "A propos du procès Baader-Meinhof".
(4) tiré du livre "La fraction Armée Rouge
- Guérilla urbaine en Europe occidentale".
(5) tiré du Guide du prisonnier, par l'Observatoire
International des Prisons.
Cette brochure est une contribution
à la lutte des prisonnièrEs contre la torture blanche
de l'isolement carcéral et la privation sensorielle. Sur
la base d'un article rédigé par le prisonnier
américain Frank J. Atwood, qui subit un tel traitement
depuis bientôt 17 ans, nous avons voulu élaborer
un document exposant les méthodes employées
pour détruire mentalement les détenuEs, ainsi
que le perfectionnement qu'elles ont pu connaître aussi
bien aux États-Unis qu'en Europe au cours du temps.
Même s'il est évident que Big Brother reste en avance
quant à l'ampleur de l'institutionnalisation de ces
pratiques visant à l'anéantissement psychologique
de populations carcérales toutes entières,
les quartiers d'isolement et autres mitards en Europe ne cherchent
pas moins à aliéner les "composants gênants"
au sein de la hiérarchie des classes en leur ôtant
leur force majeure : leurs convictions politiques et leur capacité
à raisonner.
C'est par ailleurs pour cette raison que la plupart des militantEs
anti-impérialistes emprisonnéEs y sont passéEs
un jour ou l'autre...et n'en sont sortiEs, s'ils/elles n'y
sont pas mortEs, qu'une fois leur mort psychique constatée.
Lutter contre l'isolement demeure non seulement une lutte
contre "la prison dans la prison" et la volonté
de l'Etat tortionnaire d'en finir avec ses pires enemiEs,
mais aussi une lutte pour la survie des expériences
politiques et révolutionnaires que ceux/celles-ci ont apporté
à l'histoire de la lutte des classes. Les soutenir en
s'opposant aux lavages de cerveau et autres méthodes
scientifiques utilisées pour en faire des bouts de viande
à qui on a détruit l'identité personnelle
et politique, c'est défendre l'idée que subsistera
demain encore la résistance.
L'ISOLEMENT CARCÉRAL DÉTRUIT, DÉTRUISONS
L'ISOLEMENT !!!