Le 8 août, à Istanbul, les forces de police turques
se sont lancées à l'assaut du siège central
du journal Vatan - proche d'une des organisation (DHKP-C) dont
des membres sont en grève de la faim dans les prisons.
Avec la même violence que lors de l'assaut contre les prisons
en décembre 2000, les murs furent détruits à
la masse et les locaux entièrement ravagés ainsi
que plusieurs dizaines de personnes arrêtées. Connues
pour ses pratiques, ils vont sans doute être torturés
pendant des jours avant de finir au fond d'une cellule d'isolement,
ou bien tout simplement déclarés morts ou "disparus".
Cette nouvelle opération policière est une étape
de plus dans la lutte de l'Etat pour briser le mouvement de grève
de la faim entamé il y a 295 jours (le 10 août) et
la solidarité des familles à l'extérieur.
Déjà, le quartier de Kuçukarmutlu fut bouclé
pendant quatre jours pour déloger des familles de prisonniers
en grève de la faim de solidarité, et les forces
de police menacèrent de lancer un assaut contre leurs maisons
mais durent reculer devant la menace des familles de s'immoler.
A l'extérieur, ce sont actuellement plusieurs dizaines
de membres de familles de prisonniers qui sont entre la vie et
la mort, lancés dans un jeune à mort, depuis plus
de 100 jours pour certains d'entre eux, par solidarité
avec leurs proches en lutte dans les prisons. Cette repression
s'abat aussi directement sur des militants politiques par des
exécutions : le 6 juillet, Ismael Karaman - combattant
du DHKC - a été assassiné en pleine rue dans
le quartier d'Avcilar à Istanbul.
A côté de cette politique violente, l'Etat tente
de dissoudre le mouvement en libérant des prisonniers en
grève de la faim, tablant sur leur arrêt de cette
grève à l'extérieur. Néanmoins, cette
tactique ne fonctionne pas totalement car des prisonniers sortis
ont continué à se solidariser et ont repri la grève
de la faim illimitée, rejoignant les familles. Dans les
prisons et les hôpitaux, la situation est dramatique. Plusieurs
centaines de prisonniers sont encore en grève de la faim
et plusieurs dizaines d'entre eux, dans des hôpitaux, sont
dans des états désespérés. Ces derniers
souffrent de graves troubles cérébraux, rénaux
et respiratoires mais sont maintenus en vie par des perfusions
forcées. En effet, l'Etat avait ordonné à
des médecins turcs - qui ont accepté - de contrevenir
aux traités internationaux et de perfuser contre leur gré
les prisonniers le necessitant. Depuis ils sont maintenus artificiellement
en vie afin de minimiser l'impact de la perte d'une nouvelle vie
humaine dans cette lutte qui a déjà fait 58 morts
depuis le 19 décembre 2000. 28 prisonniers, alors en grève
de la faim, sont morts lors de cet assaut et 30 autres grévistes
sont morts depuis.
Ce mouvement de lutte contre la mise en place d'une système
cellulaire dans les prisons en Turquie ne faiblit pas, tout autant
que le refus de l'Etat d'accepter les revendications des prisonniers
qui concernent principalement la fermeture des prisons cellulaires
(Type F) et l'abrogation des lois anti-terroristes qui permettent
d'incarcérer toute personne suspectée d'un lien
quelconque avec une "organisation terroriste". Lors
des quelques discussions entre le gouvernement et des représentant
d'associations de défense des droits de l'Homme, des concessions
mineures furent accordées mais elles furent rejetées
comme insuffisantes par ces associations et les prisonniers en
lutte. Depuis, l'Etat se retranche dans sa position intransigeante
et les pays européens sont toujours aussi silencieux sur
ce qui se passe dans les prisons turques. Le député
Vert Daniel Cohn-Bendit a même invité les prisonniers
à stopper leur mouvement, jugeant qu'ils n'avaient rien
à craindre des nouvelles prisons et qu'ils devaient se
contenter des propositions du gouvernement.
La lutte continue mais maintenant plus que jamais, les prisonniers
ont besoin du soutien de tous. Il nous faut briser l'acharnement
de l'Etat turc à détruire ou laisser détruire.
Les prisonniers et leurs familles entament leur 10ème mois
de lutte pour ne pas subir l'isolement carcéral. Loin d'être
une mise aux normes, cette nouvelle politique carcérale
de l'Etat turc ne vise qu'à faire un saut "qualitatif"
dans le raffinement des tortures. L'Europe et sa longue expérience
pour briser les prisonniers par l'isolement offre une solution
"démocratique" (!), acceptable, pour en finir
définitivement avec ceux qui résitent encore au
régime militaire turc. Ceux qui connaissent l'isolement
savent qu'il n'est qu'une forme de torture "démocratique",
dont le seul but est de briser l'individu.
L'isolement, c'est la mort.