Prisons en Turquie
Prisons en Turquie
 

L'année 1996 dans les prisons

 

1996 aura été une année dure en ce qui concerne la situation dans les prisons, mais la résistance aura marqué la Turquie et le monde. La grande grève de la faim aura eu une ampleur phénoménale: plus de 300 prisonniers politiques ont mené une grève de la faim totale, 1500 prisonniers ont suivi cette grève de la faim et 10 000 personnes dans et hors les prisons ont mené une grève de la faim en solidarité.
De fait, l'Etat turc entend briser l'identité des prisonniers politiques. La grève de la faim s'est également dirigé contre cet état de fait. Elle aura duré 69 jours, aura coûté la vie de 12 prisonnierEs. Les survivants furent amenés dans les hôpitaux. La grève de la faim a été victorieuse: l'Etat a reculé et accepté les revendications, notamment la non mise en place de l'isolement carcéral. La pression de l'opinion était trop grande.

Les médias occidentaux ont véritablement traîné des pieds pour parler de cette grève. Ils n'ont commencé à en parler que lorsque des prisonniers sont morts, et encore uniquement pour parler des prisons, et nullement de la solidarité à l'extérieur, très large. Ainsi il n'a pas été parlé des actions de solidarité, des manifestations, et de la répression, de la brutalité de l'Etat turc. La Turquie, par sa répression très dure contre le mouvement de solidarité, a montré une fois de plus son vrai visage.

Néanmoins, en Europe également la solidarité a été forte. Des comités de solidarité ont été formé spontanément, rassemblant il est vrai en majorité des personnes originaires de Turquie et vivant en Europe. Ces comités on assumé ce que les médias n'ont pas assumé: expliquer la lutte en Turquie, sensibiliser et rendre solidaires. Au fur et à mesure, des politiques, des associations démocratiques, des syndicats, des avocats, des intellectuels se sont exprimé quant à la situation en Turquie. Au Parlement européen et à l'ONU les voix condamnant le régime turc se sont fait entendre.

Il est caractéristique que ceux et celles ayant participé aux comités de solidarité, en Europe même, se soient fait brutalement attaqué. Les partisans de l' "ordre" estiment bien plus le partenaire de l'OTAN qu'est la Turquie que la vie et les droits des prisonnierEs politiques. Les manifestations ont été interdites, ou encore attaquées. La police a perquisitionné des associations turques orientées à gauche. A Cologne ce sont 500 personnes qui ont été arrêté le 20 juillet 1996.

La mort de prisonnierEs a également montré au monde la détermination des gens qui sont dans les prisons de Turquie. La grève de la faim est alors devenu un thème pour tous les journaux. Les images de la prison de Bayrampasa d'Istanbul, filmées par les prisonnierEs eux/elles-mêmes, ont bouleversé les télés d'Europe. 12 personnes, sur les 326 menant une grève totale, ont néanmoins sacrifié leur vie. Sacrifié leur vie pour les droits des prisonniers, pour faire plier l'Etat turc sur la question des Droits de l'Homme, montrant par là la détermination à conquérir ces Droits de l'Homme pour l'ensemble des gens en Turquie.

Le mouvement en faveur d'un changement en Turquie a par cette lutte atteint une nouvelle dimension. Beaucoup de gens et de groupes se sont reconnus dans la lutte pour les droits et la vie des prisonnierEs politiques.

Les organisations révolutionnaires, qui se considèrent comme à l'avant-garde de la lutte, ont lutté ensemble: le DHKP-C, le MLKP, le TKP(ML), le TKP-ML, Direnis Hareketi, le TIKB, le TDP, Ekim, le THKP-C/HDÖ. Et leurs discussions n'ont pas concerné que la solidarité à l'intérieur des prisons. Pas plus d'ailleurs que seuls des groupes révolutionnaires n'ont participé: nombreuses sont les associations luttant en faveur des Droits de l'Homme, les syndicats, les groupes et institutions démocratiques qui ont soutenu la grève. La grève de la faim a marqué le travail commun des groupes démocratiques et révolutionnaires.

Comme un succès le fait que cette grève ait démasqué le gouvernement d'Erbakan. Beaucoup de gens avaient espéré du gouvernement de coalition, guidé par le parti Refah, que la situation changerait en Turquie, avait soutenu le Refah par leurs votes (de protestation). Leurs espoirs ont été très brutalement déçu, notamment avec les violentes attaques du ministre de l'intérieur Mehmet Agar et du ministre de la justice Sevket Kazan. Le visage du fascisme est toujours présent en Turquie, et la grève de la faim a montré la capacité de résistance qui existe contre lui.

28 Juillet 1996 : Fin de la grève de la faim

Le gouvernement turc a accepté toutes les revendications des prisonnierEs.

Après la mort d'un prisonnier la veille à l'hôpital ce sont donc 12 prisonnierEs qui sont tombéEs: Aygün Ugur du TKP(ML), Altan Berdan Kerimgiller du DHKP-C, Ilginc Özkeskin du DHKP-C, Hüseyin Demircioglu du MLKP, Ali Ayata du TKP(ML), Müjdat Yanat du DHKP-C, Tahsin Yilmaz du TIKB, Ayce Idil Erkmen du DHKP-C, Hicabi Kücük du TIKB, Yemliha Kaya du DHKP-C, Osman Akgün du TIKB, Hayati Can du TKP(ML).

Il ne faudrait pas pour autant croire, malgré l'importance de cette victoire, que les Droits de l'Homme seront désormais respectés en Turquie. Même si les prisonnierEs malades sont amenéEs à l'hôpital, les droits ne sont pas gagnés pour autant. Ainsi les visites des familles ou des membres des délégations internationales dans les hôpitaux ne sont pas permises. Lors des voyages, qui durent des heures, les prisonnierEs sont attachéEs. Les prisonnierEs en isolement ne sortent que peu à peu. Le gouvernement traîne des pieds.

Et évidemment, la police continue de matraquer à l'extérieur des prisons. Oya Gökbayrag par exemple, une femme se déplaçant en chaise en roulante et représentante de la plate-forme pour les droits et les libertés, a de nouveau été arrêté à la prison de Bayrampasa en août alors qu'elle demandait une droit de visite.

L'avocat Ahmet Düzgün Yüksel a lui été arrêté alors qu'il voulait remettre une plainte contre le ministre de la justice Sevket Kazan au tribunal de Sultanahmat/Istanbul.

Ce ne sont que quelques exemples de la continuité de la répression et du mépris des Droits démocratiques en Turquie, même après la grève de la faim. Il ne faut pas s'étonner: le régime en place méprise ses propres lois, et sa propre parole. La satisfaction des revendications ne se fera pas comme ça, par gentillesse. Il faut être sur la défensive, faire attention à chaque droit, car chaque succès est une étape de gagnée dans la lutte pour les droits de l'Homme en Turquie.

L'opinion publique ne doit ainsi pas baisser sa garde. Il s'agit de forcer pas à pas la Turquie à satisfaire les revendications, il ne faut pas que la lutte et ce qui se passe en Turquie retombe dans l'oubli. Toute notre attention doit être attirée! Sans quoi la pression et la répression augmentent.

L'Histoire de l'oppression et de la résistance en Turquie est grande, profonde. Des progrès ont pu être effectué, au prix le plus souvent de grands sacrifices. Il y a également eu des défaites, des reculs. Mais le processus de démocratisation doit aller de l'avant, contre la volonté des dominants. Il s'agit de renforcer le mouvement actuel en faveur de la dignité humaine.

Janvier 1996 : Massacre à la prison d'Ümraniye

Après que le 21 septembre 1995 trois prisonniers se soient fait massacré à la prison de Buca, le 4 janvier 1996 les prisonniers d'Ümraniye ont été attaqué par les forces de sécurité. 3 prisonniers sont morts sur place (Riza Boybas, Orhan Özen et Abdülmecit Seckin), un autre est mort des suites de ses blessures (Gültekin Beyhan), 40 prisonniers ont été en partie grièvement blessés. Les prisonniers ont été frappé à coups de barres de fer sur le crâne dans une opération dont l'ordre a été donné par le ministre de l'intérieur et qui a été supervisé par le procureur général, le directeur de la prison et les officiers de la gendarmerie locale. lors de l'enterrement de deux prisonniers 1040 personnes ont été arrêté, amené dans un stade et torturé.

Juillet 1996 : 1238 personnes torturées en 6 mois

Selon l'IHD, organisation pour les Droits de l'Homme, et la commission sur la torture, 1238 personnes ont été torturé en 6 mois. Le nombre de tortures a augmenté, et Istanbul est la ville où la torture est la plus courante. Parmi les 6 morts recensés se trouve un enfant de quelques mois (pas encore né).

6 Juillet 1996 : Attaques dans une prison

Mahmut Abayli, qui a été blessé par des fascistes, raconte ce qui s'est passé à la prison d'Usak, où la gendarmerie est intervenue. Celle-ci aurait été gêné dans son action à cause des lits placés de telle manière à bloquer les portes. Mais il s'agit de lits superposés et vissés au sol! Mahmut raconte l'action, mené avec des piques qu'on a retrouvé sous le lit d'une cellule: << Dans la nuit je me suis réveillé à cause d'une douleur au visage. Ils m'ont dardé de coups avec un objet pointu et m'ont laissé pour mort. Les surveillants et les gendarmes ne sont intervenus que lorsqu'ils étaient sûrs que nous soyons morts. Je n'ai appris que plus tard dans quelles conditions mes amis ont été assassiné >>.

7 Juillet 1996 : Des prisonnières sont empoisonnées

Le journal Demokrasi informe que les femmes ayant participé à une action devant les bâtiments de la HADEP le 24 juillet à Osmaniye/Adana ont trouvé des tablettes dans l'eau de leurs thés.

28 Août 1996 : Les prisonniers éjectés de l'hôpital

Selon Yüni Yüzil 8 prisonniers seulement sont encore soignés à la faculté de médecine d'Istanbul. Les associations de médecin ont protesté contre le fait que les prisonniers quittent trop tôt l'hôpital: 6 sont sortis le 27, et 5 autres doivent sortir d'ici quelques jours.

7 Septembre 1996 : Un prisonnier n'est pas soigné

Le prisonnier Nail Demir, du PKK, n'est pas soigné malgré ses blessures à la colonne vertébrale. Sa femme a appelé la commission de surveillance des prisons, ses blessures étant sévères. << Mon mari s'approche de jour en jour de la mort >>. Demir est nourri par les prisonniers, qui l'amènent eux-mêmes aux toilettes. La direction de la prison a refusé tout traitement.

13 Septembre 1996 : Un prisonnier s'immole par le feu

Un prisonnier du PKK, Mutlak Kozan,Erzurum en protestation contre le non-respect des revendications faites lors de la grève de la faim. Il a survécu avec de très graves brûlures, mais a refusé les soins (Demokrasi).

21 Septembre 1996 : Attaque contre les prisonniers à Aydin

Refusant de se faire compter en protestation contre le non-respect des revendications, les prisonniers d'Aydin ont été attaqué par la gendarmerie. Selon le journal Cumhuryret 5 prisonniers ont été blessé.

23 Septembre 1996 : Un prisonnier n'est pas soigné

Murat Mesut Uzun, militant du DHKP-C, n'a été soigné qu'une fois pour une cirrhose selon le journal Kurtulus. Lorsqu'il a demandé que les menottes ne soient pas si serrées il s'est fait tabasser. Il a décidé de mener une grève de la faim, et n'est aidé que par les autres prisonniers. D'autres prisonniers sont morts de l'absence de soin: Ümit Dogan Gönül, Kalender Kaapinar, Mustafa Kaya et Mehmet Yaman.

27 Septembre 1996 : Attaque contre des prisonniers: 11 morts

Selon le journal Sabah le nombre de prisonniers tués lors de l'attaque de la police à la prison de Diyarbakir s'élève à 11. Kadir Dal, grièvement blessé et amené à l'hôpital, est décédé. Le ministre de la justice Sevket Kazan n'a donné aucune explication sur l'origine des décès. Il a juste été dit que les dégâts causés dans la prison ont déjà été réparés.

27 Septembre 1996 : 10 000 prisonniers font 3 jours de grève

Le journal Zaman informe que plus de 10 000 prisonniers politiques vont commencer une grève de la faim de 3 jours en avertissement.

30 Septembre 1996 : Trois prisonniers s'immolent par le feu

Trois prisonniers du PKK de la prison de Bayrampasa/Istanbul ont tenter de s'immoler par le feu en protestation contre le massacre de Diyarbakir, contre les mauvais traitements ainsi que contre l'interdiction de la chaîne Med-TV en Europe. Gülbahar Köker, qui s'était enveloppé de papiers et s'était mis le feu, a pu être sauvé par les autres prisonniers. Vedat Aydemir et Hamdullah Sengüler, enveloppés de plastiques, ont pu être sauvé par la suite selon Demokrasi.

30 Septembre 1996 : Le massacre a été organisé

Selon Demokrasi, la chambre médicale de Diyarbakir a affirmé que le procureur général de la ville leur avait téléphoné avant le massacre et s'était assuré du nombre de chambres. Le procureur leur avait affirmé qu'à n'importe quel moment un certain nombre de prisonniers pourraient venir de la prison.

4 Octobre 1996 : La grève de la faim continue

Le journal Ates publie un article sur les prisonniers de Canakkale qui ont repris la grève de la faim après que la situation n'ait pas été modifié. 77 prisonniers politiques ont ainsi cessé de s'alimenter pour trois jours à partir du 27 septembre, grève de trois jours qui a en fait continué après les événements de Diyarbakir.

4 Octobre 1996 : Un prisonnier n'est pas soigné

Le journal Demokrasi informe quant à Abdülmelik Tanas, qui a été arrêté le 23 janvier 1996 à Istanbul par des policiers de la section anti-terroriste. Amené à la prison de Bayrampasa il a été sérieusement torturé, et une visite médicale a constaté de graves manquements osseux, demandant un traitement sans quoi les lésions resteraient. La demande a été refusé. Le frère du prisonnier, Ahmet Tanas, ainsi que l'avocat Naciye Kaplan, Mukaddes Alatas et Nurten Özdemir, membres de la commission de surveillance des prisons de l'IHD, ont publié un communiqué à ce sujet.

5 Octobre 1996 : Série d'actions dans les prisons

Une grève de la faim est mené à ce jour dans 9 prisons suite aux événements de Diyarbakir selon le journal Demokrasi.

A Konya ce sont 400 prisonniers qui mènent une grève de la faim tournante. L'action commencée par quatre prisonniers a été suivi et une grève tournante et illimitée a commencé. Les prisonniers refusent également d'assister à leurs procès.

11 Octobre 1996 : 2 prisonniers s'immolent par le feu

Vedat Aydemir et Hamdullah Sentürk sont morts de leurs blessures - ils s'étaient immolés par le feu en protestation. Un troisième prisonnier qui s'était également immolé est à l'hôpital, grièvement blessé.

7 Décembre 1996 : Des prisonniers blessés et un tué

Dans la prison de Nazilli des prisonniers fascistes ont tué un prisonnier, Abdül Kacar, et en ont blessé quatre autres. Les prisonniers kurdes ont été attaqué dans la salle à manger. Les fascistes ont attaqué avec des piques et des objets tranchants.

 

Informations issues du rapport publié par le bureau du DHKC à Bruxelles (http://www.ozgurluk.org/dhkc/fr/0002.html)